GÉNÉTIQUE

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GÉNÉTIQUE

À quelques rares exceptions près, il n’est nul besoin d’être un biologiste professionnel pour discerner au premier coup d’œil un être vivant d’un objet inerte. Cette identification est liée à la perception d’un petit nombre d’attributs familiers, qui, sous des formes diverses, se retrouvent partout où existe ce que nous appelons la vie: un être vivant présente une forme définie, il bouge, respire, s’alimente, il grandit; enfin et surtout, il est capable de se reproduire, c’est-à-dire de donner naissance à d’autres êtres plus ou moins semblables à lui.

Une analyse plus approfondie de la propriété de reproduction conduit à y voir non seulement la condition évidente du maintien de la vie à travers la succession des générations, mais aussi la condition de la persistance même d’un individu vivant. Un homme adulte, par exemple, peut, pendant de longues années, paraître rester plus ou moins semblable à lui-même. Sa permanence ne repose toutefois pas, comme dans le cas d’un morceau de métal ou de pierre, sur la stabilité chimique des molécules qui le constituent, mais résulte en fait du jeu incessant de processus de reproduction. Comme tout être vivant, l’homme est en effet un système ouvert, échangeant matière et énergie avec le milieu. S’il ne contribue qu’occasionnellement à la naissance d’une génération nouvelle, sa survie s’accompagne de la prolifération incessante de certaines de ses cellules et, même à l’intérieur de celles qui, tels les neurones du système nerveux, ne se multiplient plus chez l’adulte, des opérations de reproduction se déroulent sans cesse au niveau des macromolécules.

Parmi les sciences biologiques, la génétique est celle qui se préoccupe le plus directement de comprendre le mécanisme de la reproduction biologique, à tous les niveaux où elle se manifeste: individu, cellule, molécule. Mais, plus encore peut-être que par cet objectif, cette discipline est caractérisée par la démarche suivie pour l’atteindre. Celle-ci passe toujours en effet par l’étude de la variation.

L’aptitude à varier au cours de la reproduction est en effet une autre propriété générale des êtres vivants, au premier abord moins apparente peut-être que la propriété qu’ils ont de se reproduire semblables à eux-mêmes, mais toujours associée avec elle. C’est alors en étudiant la variation, le mécanisme de son apparition et de sa transmission dans les différentes formes de reproduction que la génétique est parvenue, en collaboration avec d’autres disciplines biologiques, à la connaissance des mécanismes fondamentaux qui assurent aussi bien le maintien de la vie que sa transmission d’une génération à l’autre [cf. HÉRÉDITÉ].

Cette vocation de la génétique – parvenir à élucider les mécanismes fondamentaux de la reproduction biologique grâce à l’étude de la variation – s’est affirmée dès sa naissance, à l’occasion des célèbres expériences de croisements entre variétés de pois cultivé, réalisées par Gregor Mendel au milieu du siècle dernier. Reprises au début de ce siècle avec divers organismes supérieurs, ces expériences révélèrent l’existence des gènes et leur localisation sur les chromosomes. Plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, une deuxième étape importante fut franchie: on reconnut que les gènes sont des segments de molécules d’acide désoxyribonucléique (ADN) et qu’ils agissent en servant de modèles codés pour la synthèse des molécules protéiniques. Il restait, et reste encore, aux généticiens bien des problèmes à résoudre. Les uns se situent au niveau du chromosome: comment les gènes, alignés sur le chromosome, sont-ils délimités les uns par rapport aux autres, et quel est le mécanisme de la recombinaison génétique? D’autres se situent au niveau de la cellule: comment les activités des dizaines ou des centaines de milliers de gènes contenus dans le noyau d’une cellule sont-elles coordonnées de telle manière que l’ensemble puisse se comporter et se reproduire comme une unité? Comment s’expliquent les phénomènes d’hérédité cellulaire, qui ne sont pas liés à des variations des gènes chromosomiques? Comment est-il possible aux cellules différenciées d’un même organisme pluricellulaire d’être aussi différentes, morphologiquement et physiologiquement, qu’un neurone et une cellule de la muqueuse intestinale, par exemple, tout en possédant les mêmes gènes?

À un autre niveau, celui de la biosphère et de son histoire, la génétique, science de la reproduction et de la variation, ne peut éviter d’affronter le problème de l’évolution. Toute explication rationnelle de l’évolution organique doit être fondée sur les propriétés actuelles des êtres vivants et, puisqu’il s’agit de filiation, les propriétés les plus pertinentes sont manifestement celles qu’étudie la génétique.

1. Hérédité des caractères biologiques

Une observation même superficielle reconnaît aisément les deux aspects contradictoires de la reproduction biologique: tendance à produire de l’identique et tendance à varier. Ces deux aspects apparaissent, par exemple, intimement associés dans les actes de reproduction qui nous sont les plus familiers: ceux qui concernent la succession des générations chez l’Homme ou les animaux supérieurs. Un enfant est semblable à ses parents, à la fois pour les caractères fondamentaux de l’espèce humaine et pour bien des traits particuliers possédés par les parents. Il aura, par exemple, la peau blanche si ses parents appartiennent à la race blanche. D’un autre côté, il n’est vraiment identique ni à l’un ni à l’autre et, pour certains caractères, peut ne ressembler à aucun d’entre eux et, bien qu’issu de parents bruns, avoir des cheveux blonds.

Dans toute forme de reproduction biologique, la tendance à varier vient ainsi se superposer à l’aptitude fondamentale à la reproduction conforme. Elle va toutefois, selon les cas, d’une part être plus ou moins apparente et, d’autre part et surtout, correspondre à des phénomènes de nature différente. Une des premières tâches de la génétique consiste alors à distinguer clairement les diverses modalités de la variation. Deux étapes fondamentales dans ce domaine ont consisté, l’une à bien séparer la variation génétique de la variation acquise, l’autre à distinguer deux processus fondamentaux responsables de la variation génétique: les mutations et les recombinaisons.

Variation acquise et variation génétique

Les caractères d’un individu sont en partie la conséquence des conditions extérieures qu’il subit à l’instant considéré, ou qu’il a subies dans le passé au cours de son développement. L’existence de ces caractères que l’on qualifie d’acquis est très manifeste chez les organismes supérieurs. Chacun sait, dans le cas de l’espèce humaine, que la peau brunit par exposition au soleil, que l’exercice développe les muscles et que certaines intoxications auxquelles le fœtus a pu être soumis dans l’utérus maternel, ou encore des traumatismes subis au moment de la naissance, peuvent perturber gravement et définitivement le développement de l’adulte. Les caractères acquis se retrouvent également au niveau des cellules isolées. C’est ainsi que des bactéries ou des levures sont capables de modifier le rythme avec lequel sont synthétisées certaines de leurs enzymes en fonction de la composition du milieu nutritif sur lequel elles sont cultivées. En l’absence de lactose par exemple, des colibacilles ne produisent qu’en quantité à peine décelable la 廓-galactosidase, enzyme qui sert à dédoubler le lactose en glucose et galactose. L’addition de lactose au milieu déclenche au contraire une synthèse active de l’enzyme. Celle-ci est qualifiée d’adaptative, et les mécanismes qui jouent pour assurer cette réponse de l’organisme à la présence d’un aliment dans le milieu entrent dans le cadre des régulations du métabolisme cellulaire [cf. RÉGULATIONS BIOCHIMIQUES].

L’expérience montre que les caractères acquis ne sont pas transmis à la descendance et cela reste vrai, aussi bien lorsqu’il s’agit d’organismes pluricellulaires que d’organismes unicellulaires. Les caractères acquis ne correspondent qu’à des variations dans l’expression des potentialités de l’organisme et seules celles-ci sont héréditaires. Ainsi, le pouvoir de synthétiser la galactosidase, possédé héréditairement par le colibacille, ne s’actualise en une production réelle d’enzyme qu’en présence de lactose. Mais le fait que la potentialité soit exprimée ou non n’intervient absolument pas dans la régularité avec laquelle elle est transmise au cours des divisions des corps bactériens.

La nécessité de distinguer, dans l’ensemble des différences que peuvent présenter entre eux les individus d’une même espèce, la part qui relève de l’acquis individuel et celle qui touche aux potentialités héréditaires elles-mêmes a été reconnue par les premiers biologistes qui ont expérimenté sérieusement dans ce domaine. Cette distinction a été une des conditions du développement ultérieur de la génétique. Que les caractères acquis ne soient pas héréditaires n’a cependant jamais recueilli sans réticences l’adhésion de l’unanimité des biologistes. Ces réticences ne s’appuient pas à proprement parler sur une évidence expérimentale, mais sont liées à certaines interprétations du mécanisme de l’évolution. Il existe incontestablement un parallélisme frappant entre le fait qu’un organisme individuel soit capable de s’adapter aux conditions externes en développant des caractères acquis, et le fait que les espèces soient également toujours adaptées à leur mode de vie et à leur milieu. Certains biologistes persistent alors à penser qu’un même mécanisme est à la base de ces deux aspects, individuel et collectif, de l’adaptation biologique, et cela paraît imposer la nécessité, pour les caractères acquis par l’individu, d’influencer de quelque manière les potentialités héréditaires transmises à la génération suivante. Cette argumentation paraît toutefois peu convaincante à la majorité des généticiens. L’évolution pouvant s’expliquer par l’action de la sélection naturelle sur la variation génétique des populations, il n’est nullement nécessaire, pour rendre compte de l’adaptation des espèces à leurs niches écologiques, de renoncer à admettre le principe d’indépendance de la variation acquise et de la variation génétique, que paraît bien imposer l’évidence expérimentale actuelle.

Les deux modalités de la variation génétique

Deux processus bien distincts sont capables de faire apparaître la variation génétique, donc d’altérer le caractère fondamentalement conforme de la reproduction biologique: la production de mutations et celle de recombinaisons génétiques. Les mutations sont susceptibles de se produire en toute circonstance; à quelques exceptions près, les recombinaisons au contraire ne s’accomplissent qu’à l’occasion de la reproduction sexuée ou de processus dits parasexués, qui remplacent celle-ci chez les Protocaryotes (bactéries et cyanophycées).

Mutation

Pour observer, dans les conditions les plus claires, le phénomène de mutation, on doit s’adresser à des organismes simples et à une forme de reproduction se rapprochant le plus possible de la division cellulaire. La division cellulaire, ou mitose [cf. DIVISION CELLULAIRE], est essentiellement une reproduction conforme. Par divisions répétées, une cellule originelle donne naissance à une population de cellules que l’on appelle un clone et, normalement, tous les éléments du clone sont équivalents. Même dans ce cas cependant, l’aptitude à varier n’est pas absente. Dans le cas particulier des cellules d’un organisme supérieur en développement, elle va prendre la forme de différenciation cellulaire, phénomène que nous envisagerons plus loin, mais qui n’appartient pas au domaine de la variation génétique, car il affecte non pas le patrimoine génétique des cellules mais la manière dont il est traduit, en fonction de contingences locales.

Les mutations, en revanche, sont des variations génétiques qui affectent soudainement une seule ou quelques-unes des cellules à l’intérieur d’un clone. Le meilleur matériel pour observer les mutations dans un contexte aussi dépourvu que possible de toute autre complication biologique est représenté par des micro-organismes unicellulaires ayant, comme les bactéries, un matériel chromosomique haploïde, c’est-à-dire qui n’est pas constitué d’éléments en double exemplaire. Ensemencée sur un milieu de culture favorable, une bactérie va rapidement proliférer et donner naissance à des milliers, et bientôt à des millions, de descendants. Un premier examen de ceux-ci illustrera surtout l’aspect conforme de la reproduction biologique. Au début, la totalité des bactéries présentes dans le milieu de culture sont en effet interchangeables et identiques à la bactérie originelle conformément au modèle clonal.

La mise en œuvre de conditions jouant un rôle sélectif au sein de cette population finira cependant par révéler l’existence, dans le clone, d’individus doués de propriétés nouvelles. Ils seront, par exemple, résistants à une concentration de streptomycine qui bloque la multiplication des bactéries originelles.

Les événements qui ont donné naissance à ces individus d’un type génétique nouveau, désormais transmissible à leurs descendants, sont appelés des mutations . Elles se présentent comme des accidents aléatoires survenant dans le cours de la reproduction conforme. Une fois l’accident accompli, les bactéries qui descendent de l’individu muté forment un sous-clone, dont les membres diffèrent d’une façon ou d’une autre du reste de la population par suite de la modification du modèle initial.

La production de mutations est liée au caractère fondamentalement aléatoire des phénomènes physico-chimiques intervenant au niveau de l’atome ou de la molécule individuels. Les mutations se produisent spontanément en toute circonstance chez tous les organismes, mais leur fréquence reste faible. Dans l’espèce humaine, par exemple, un gène individuel ne dispose au plus que d’une chance sur 10 000 de muter dans l’intervalle qui sépare deux générations [cf. MUTATIONS].

Recombinaison

Les mutations restent, dans tous les cas, la source ultime de la variation génétique. Ce n’est cependant que dans le cas des micro-organismes unicellulaires et haploïdes, se reproduisant par simple division, que l’apparition d’une nouveauté génétique est la conséquence immédiate d’une mutation. Chez les organismes supérieurs, à reproduction sexuée biparentale, le phénomène de mutation joue un rôle plus discret et plus indirect dans l’apparition de la variation. Ce rôle consiste à entretenir, au niveau collectif de la population, une diversité génétique, qui, à chaque changement de génération, est redistribuée entre les différents individus.

Dans de telles conditions, l’apparition de la variation est la conséquence immédiate du phénomène appelé recombinaison génétique. La nouveauté résulte, ici, non pas de la modification accidentelle d’un modèle, mais d’un échange de parties entre deux modèles distincts. Il s’agit en fait d’un phénomène plus facile à observer que ne le sont les mutations, dont la mise en évidence nécessite toujours des expériences relativement compliquées et d’une certaine ampleur. L’expérience courante montre que chaque enfant rassemble, souvent de manière très apparente, des traits empruntés à l’un et à l’autre de ses parents. Le nombre de traits variables ainsi redistribués est si grand dans l’espèce humaine que tout nouvel individu tend à présenter un caractère plus ou moins unique, et n’est véritablement identique à aucun autre.

À l’exception des vrais jumeaux, qui ont pour origine un œuf unique, chaque individu humain est donc une nouveauté génétique, et l’aspect conforme de la reproduction biologique est alors masqué par l’ampleur de la variation. Semblable situation est toutefois un cas extrême; il se trouve que les conditions particulières dans lesquelles vit et se reproduit l’espèce humaine aboutissent à maintenir dans les populations un niveau exceptionnellement élevé de diversité génétique. Un cas extrême, dans l’autre sens, correspond à ce qui est appelé les races pures , dans lesquelles les individus présentent tous plus ou moins strictement les mêmes potentialités génétiques. C’est pourquoi les processus de recombinaison génétique qui accompagnent la reproduction sexuée correspondent dans ce cas à ce que serait un échange de pièces entre voitures de même modèle et ne font apparaître rien de nouveau. Tant que les croisements ont lieu à l’intérieur de la race, la reproduction d’une race pure d’organisme supérieur présente donc un caractère aussi conforme que la multiplication asexuée des bactéries. La variation génétique n’est cependant jamais complètement et durablement absente, ne serait-ce qu’en raison des mutations.

Chez les organismes Eucaryotes, le phénomène de recombinaison génétique se produit au moment de la reproduction sexuée et, à quelques exceptions près, ne s’observe pas dans la reproduction asexuée, qu’il s’agisse de division cellulaire ou des diverses modalités de fragmentation de l’individu, dont la multiplication des plantes par bouturage ou greffe est un exemple familier. Des recherches ultérieures ont révélé l’existence, chez les bactéries, de processus qui, avec des modalités différentes de celles de la reproduction sexuée, aboutissent au même résultat fondamental: faire apparaître des individus dont les potentialités génétiques ont été héritées de deux ancêtres distincts. Ces processus sont qualifiés de parasexués [cf. PARASEXUALITÉ ET CIRCULATION GÉNÉTIQUE]. Le phénomène de recombinaison n’est donc pas lié à la seule reproduction sexuée des Eucaryotes. Il se rencontre d’ailleurs aussi chez les virus.

2. Lois de la transmission des caractères héréditaires

Puisque le propos de la génétique est d’utiliser la variation pour tenter d’atteindre les mécanismes fondamentaux de la reproduction biologique, les deux mécanismes d’apparition de la variation – mutation et recombinaison – vont être ses objets d’études essentiels. En fait, c’est l’étude des phénomènes de recombinaison qui a joué le rôle historique le plus important dans son développement.

La ségrégation mendélienne

Dans le langage courant, le mot hérédité est utilisé pour exprimer le fait qu’un descendant ressemble à tel ou tel de ses ascendants par un trait ou caractère particulier qui est possédé par cet ascendant, mais ne se rencontre pas uniformément chez tous les individus de l’espèce. Il était donc normal que les premiers biologistes qui se sont intéressés au problème de l’hérédité aient cherché à déterminer selon quelles règles les différences de caractères, éventuellement présentées par deux conjoints, se retrouvaient dans la descendance.

La réalisation d’expériences poursuivant ce but remonte à la civilisation grecque, mais il échut au moine Gregor Mendel d’effectuer, au milieu du siècle dernier, le premier travail expérimental qui aboutit à des résultats clairs et d’interprétation féconde. Servi à la fois par la chance et des dons de rigueur et de clarté d’esprit peu communs, Mendel expérimenta sur le pois cultivé. Cette espèce, comme beaucoup des plantes propagées par l’Homme, possède une large diversité génétique, et celle-ci ne se présente pas sous forme dispersée, comme dans l’espèce humaine, où chaque individu est différent des autres, mais est répartie dans une gamme de variétés, dont chacune est une race pure. Cette situation est la conséquence d’un mode de reproduction fréquent chez les plantes cultivées: l’autofécondation; les fleurs sont normalement fécondées par leur propre pollen et la graine a donc le même individu pour parent maternel et parent paternel. L’espèce est alors fragmentée en un certain nombre de variétés, appelées dans ce cas lignées, qui portent des caractères héréditaires différents et à l’intérieur desquelles la reproduction est essentiellement de type conforme.

Les lois de Mendel

Artificiellement, il est possible d’éviter l’autofécondation et d’obtenir des graines qui résultent du croisement entre deux lignées distinctes. C’est à des opérations de ce type que se livra Mendel. Une de ses idées les plus fécondes fut de s’intéresser séparément à la transmission héréditaire de caractères relativement simples. L’un d’eux était l’opposition «grains ronds» (pois farineux), «grains ridés» (pois sucrés). Il découvrit alors sans peine deux lois qui portent maintenant son nom. La première est l’uniformité de la première génération, issue du croisement de deux lignées pures: tous les grains présentent le caractère de l’un des parents. Dans le cas présent, ils sont du type «grains ronds». Lorsque les plantes issues de ces grains de première génération de croisement se reproduisent par autofécondation, elles donnent naissance à une seconde génération qui n’est plus uniforme, mais contient côte à côte des grains des deux types: ronds et ridés, c’est là la seconde loi de Mendel. Le caractère «grains ridés» a donc réapparu, et sa fréquence dans la récolte, déterminée sur de grands nombres, est exactement d’un quart. Les «grains ronds», qui constituent les trois quarts de la récolte, ne sont d’ailleurs pas génétiquement homogènes. Un tiers des plantes que l’on peut obtenir à partir d’eux ne fournissent par autofécondation que des «grains ronds» et se comportent donc comme la variété parentale pure. Mais les deux autres tiers conduisent à nouveau à ce qui est appelé maintenant une ségrégation mendélienne , c’est-à-dire fournissent trois quarts de «grains ronds» et un quart de «grains ridés». Elles se comportent donc comme la première génération. À partir des «grains ridés» de seconde génération, en revanche, il n’est possible d’obtenir par autofécondation que des «grains ridés».

Donc, au total, la seconde génération renferme trois catégories génétiques d’individus, les deux catégories pures constituant chacune un quart de la récolte, la seconde moitié étant formée par la catégorie qui reconstitue la situation de première génération ou 1.

Les unités génétiques

De telles proportions numériques suggèrent manifestement l’intervention d’un jeu statistique simple, et Mendel lui-même présenta arithmétiquement l’hypothèse qui rendait compte des faits observés. Les caractères développés par un organisme dépendent de la présence d’unités génétiques, appelées au début déterminants , et maintenant gènes . Les gènes sont doués du pouvoir de reproduction conforme et sont transmis fidèlement au cours des divisions cellulaires. Ils peuvent aussi subir des changements, qui sont les mutations. La mutation d’un gène le transforme en ce qui est appelé un allèle . Les oppositions de caractères simples, tels que «grains ronds», «grains ridés», sont alors en relation avec l’existence, dans l’individu, d’allèles différents.

Dans les cellules d’organismes supérieurs, dont les chromosomes existent à l’état diploïde, les gènes existent toujours par paires. Les deux membres de la paire peuvent être identiques, l’individu est alors qualifié d’homozygote, ou être des allèles différents, l’individu est alors un hétérozygote. Lors de la production des cellules sexuelles, les gamètes, les paires de gènes se dissocient. Les deux allèles distincts contenus dans les cellules d’un hétérozygote vont donc se séparer, et il se formera en égales quantités deux types de gamètes. Chaque individu de deuxième génération étant obtenu en tirant au hasard un gamète mâle et un gamète femelle, aura donc une chance sur deux d’être homozygote, une chance sur deux d’être hétérozygote.

En symbolisant par R et r les deux allèles correspondant à l’opposition «grains ronds», «grains ridés», les homozygotes peuvent être figurés respectivement par les symboles R/R et r/r et les hétérozygotes par R/r ou r/R. Dès lors, le croisement réalisé par Mendel peut être représenté par la figure 1, dont les deux dernières colonnes concrétisent le processus de double tirage au sort qui se produit au moment de la formation de la deuxième génération.

L’apparition en deuxième génération de plusieurs catégories distinctes, c’est-à-dire la ségrégation mendélienne, est donc la conséquence de ce que l’on appelle la disjonction ou séparation des allèles au moment de la formation des gamètes.

Dans les expériences de Mendel sur le pois, l’hétérozygote présentait le même aspect que l’un des parents. C’est là une situation fréquente, et on la décrit en disant que l’un des allèles (allèle «grains ronds» dans l’exemple décrit) est dominant et l’autre récessif . Le fait conduit d’ailleurs à établir une distinction nette entre les caractères exprimés par l’individu, ce qui est appelé son phénotype , et les gènes qu’il contient et transmet, son génotype . Dans les cas de dominance, les deux génotypes R/R et R/r présentent donc le même phénotype et la ségrégation se borne à faire apparaître deux catégories génotypiques.

Le phénomène de dominance, qui a pu paraître passablement mystérieux aux premiers généticiens, ne soulève pas, dans le cadre des connaissances actuelles, de problèmes difficiles. Par leur action, les gènes servent de modèles pour la synthèse de molécules protéiniques spécifiques, et ce sont celles-ci qui, par un enchaînement plus ou moins complexe de processus biochimiques et morphogénétiques, sont responsables des caractères observables des organismes. La dominance s’observe lorsque deux conditions sont réalisées: l’allèle dominant permet dans les cellules la synthèse de la protéine spécifique en quantité suffisante pour l’accomplissement d’une opération biochimique ou morphogénétique indispensable à la réalisation du caractère; l’allèle récessif conduit à la synthèse d’une protéine modifiée, peu ou pas active, et cette molécule n’entre pas en concurrence avec la molécule active dans les réactions où celle-ci est impliquée.

Ces conditions sont fréquemment réalisées; elles ne le sont toutefois pas toujours, et de nombreux cas sont connus où l’hétérozygote présente un phénotype particulier. Un exemple en est fourni par le système des groupes sanguins M et N de l’espèce humaine. M et N sont deux antigènes qui peuvent être présents séparément ou simultanément dans le sang d’un individu; les hommes se répartissent donc, à ce point de vue, entre trois catégories: groupe M, groupe N et groupe MN. Or, au point de vue génétique, les groupes M et N correspondent respectivement aux deux homozygotes pour deux allèles distincts et le groupe MN à l’hétérozygote.

La recombinaison par ségrégation indépendante

La ségrégation mendélienne typique trois quarts / un quart a été observée par Mendel pour un nombre important de caractères opposés, intéressant non seulement la forme de la graine, mais également sa couleur, celle de la fleur et le développement de l’appareil végétatif. Qu’arrive-t-il dans les croisements où les parents diffèrent par plus d’une alternative?

La réponse que les expériences de Mendel apportèrent à cette question fut tout à fait claire. Au moment de la formation des gamètes chez les hétérozygotes, la disjonction s’opère de manière indépendante pour chacun des couples d’allèles concernés. Ce principe simple permet de prévoir, dans tous les cas possibles, ce que sera la ségrégation observée en seconde génération. C’est ainsi que le croisement de deux variétés parentales, l’une à grains ridés et jaunes, l’autre à grains ronds et verts, va conduire à une première génération uniforme de grains ronds et jaunes, jaune est en effet dominant sur vert. Cette première génération correspond à un génotype double-hétérozygote R/r J/v. Par disjonction indépendante des deux couples, il formera en égales quantités quatre types de gamètes RJ, Rv, rJ et rv. Leur rencontre au hasard, à l’occasion de la fécondation, donnera naissance à neuf génotypes différents qui se grouperont en quatre phénotypes: grains ronds et jaunes, grains ronds et verts, grains ridés et jaunes, grains ridés et verts. Les règles élémentaires du calcul des probabilités conduisent immédiatement à prévoir que les fréquences relatives de ces quatre phénotypes sont 9/16, 3/16, 3/16, 1/16. Sans rencontrer d’autres difficultés que l’augmentation rapide du nombre des catégories, les mêmes principes sont applicables aux croisements faisant intervenir plus de deux alternatives.

Dans ce type de croisements, la ségrégation conduit à de nouvelles combinaisons de caractères, tels les types grains ridés et verts et grains ronds et jaunes dans l’exemple cité. Sur la foi de ses expériences, Mendel crut que les recombinaisons étaient toujours la conséquence de la disjonction indépendante des couples d’allèles. On sait maintenant que cette situation ne s’observe à coup sûr que lorsque les unités génétiques concernées sont localisées sur des paires de chromosomes distinctes. Le phénomène de recombinaison découvert par Mendel est tout à fait général, mais il peut présenter des modalités diverses et répondre à des mécanismes complexes dont Mendel, avec les connaissances disponibles de son temps, ne pouvait évidemment pas soupçonner l’existence.

3. Rôle des chromosomes dans l’hérédité

Les expériences de Mendel furent réalisées à une époque où les connaissances biologiques étaient trop rudimentaires pour que la signification des faits mis en évidence pût être réellement comprise. Le champ de recherches qu’il avait ouvert resta en fait en sommeil jusqu’au début de ce siècle, époque à laquelle plusieurs expérimentateurs retrouvèrent chez divers organismes les résultats de Mendel et en montrèrent la généralité. Le lien unissant la ségrégation mendélienne et les processus cellulaires caractéristiques de la reproduction sexuée devint alors apparent.

Absolument générale chez les organismes supérieurs, la reproduction sexuée se retrouve chez la plupart des champignons, algues et protozoaires. Elle peut donc être considérée comme universellement répandue parmi les Eucaryotes, et son absence chez certaines espèces n’est sans doute que le résultat d’une histoire évolutive récente. Chez beaucoup de plantes et d’animaux inférieurs, elle coexiste avec diverses formes de fragmentation de l’individu désignées collectivement par le terme de reproduction asexuée.

Dans les détails, la reproduction sexuée revêt des modalités très variées selon les types d’organisme, mais comporte un ensemble de processus caractéristiques, qui sont au contraire remarquablement uniformes. L’aspect fondamental est la succession de deux phases. Dans l’une, dite haplophase, les noyaux des cellules ne contiennent qu’un jeu de chromosomes (cellules haploïdes). Dans l’autre, dite diplophase, il en existe au contraire deux jeux (cellules diploïdes). Dans la diplophase, les chromosomes vont donc par paires. Les deux éléments de chaque paire sont rarement complètement identiques, mais ne présentent que des différences de structure d’importance mineure. Ils sont qualifiés d’homologues. Comme le montre la figure 2, le passage d’une phase à l’autre fait intervenir des processus biologiques fondamentaux: méiose pour le passage de diplophase en haplophase, fécondation avec caryogamie pour le retour en diplophase.

La méiose [cf. GAMÈTES ET GAMÉTOGENÈSE] est un ensemble de deux divisions subies par une cellule diploïde, au cours desquelles se dissocient les paires de chromosomes. La séparation des deux homologues est un processus complexe, au cours duquel ils échangent des segments homologues. Les conséquences génétiques de ce processus d’échange, connu sous le nom de crossing-over , seront envisagées plus loin. La fécondation comporte la fusion, cytoplasme à cytoplasme et noyau à noyau (caryogamie), de deux cellules appartenant à l’haplophase qui ont reçu le nom de gamètes. La cellule diploïde qui prend alors naissance est appelée zygote.

À l’intérieur de ce cadre fondamental, l’habituelle diversité des phénomènes biologiques vient largement s’insérer. L’un des plus remarquables des éléments de variation concerne les importances relatives des deux phases. La totalité des espèces animales occupe une position extrême, dans laquelle l’haplophase est réduite aux seuls gamètes. Chez les plantes supérieures, la situation n’est pas très différente. Un individu végétal, tel un arbre ou un pied de maïs, représente la diplophase. Une haplophase discrète existe toutefois au niveau des fleurs: la méiose ne donne pas directement naissance aux gamètes, mais à un petit groupe de cellules haploïdes, appelé gamétophyte.

Certains organismes inférieurs, rencontrés parmi les protozoaires, les algues et les champignons, réalisent l’autre extrême: la diplophase est réduite au zygote, et celui-ci ne se divise que pour subir la méiose. La croissance de l’organisme s’accomplit alors entièrement en haplophase.

Une situation intermédiaire est observée chez beaucoup de formes végétales où haplophase et diplophase sont l’une et l’autre le siège d’une croissance et d’une morphogenèse [cf. ALTERNANCE DE PHASES].

La théorie chromosomique de l’hérédité

Les chromosomes se comportent donc, au cours de la reproduction sexuée, exactement comme les gènes imaginés par Mendel pour expliquer les phénomènes de ségrégation. À la disjonction des paires d’allèles, lors de la formation des gamètes, répond, sur le plan de l’observation cytologique, la séparation des chromosomes homologues par la méiose.

Ce parallélisme frappant conduisit, dès le début de ce siècle, à envisager que les gènes sont portés par les chromosomes . Ce fut là l’origine de la théorie chromosomique de l’hérédité, dont plus personne ne conteste aujourd’hui la validité.

Vers 1940, les généticiens orientèrent leurs recherches vers l’étude des micro-organismes. Parmi ceux-ci, les champignons ascomycètes se révélèrent un matériel particulièrement précieux. Ce fut grâce à eux que put se développer la génétique biochimique, qui allait conduire aux connaissances sur la nature et l’activité des gènes. En outre, chez ces organismes, le lien entre le processus méiotique et la transmission des gènes dans la reproduction sexuée est perçu de manière particulièrement directe. En effet, les caractères dont on peut suivre la transmission sont observés sur l’individu haploïde et la disjonction des allèles peut être notée à l’occasion de chaque méiose individuelle.

Le croisement de deux mycéliums haploïdes permet d’obtenir un grand nombre de zygotes, et chacun de ceux-ci subit la méiose à l’intérieur d’une même membrane cellulaire qui s’allonge en formant ce que l’on appelle un asque. Chez la plupart des espèces, aux deux divisions méiotiques succède, dans l’asque, une division mitotique. Il se forme alors huit spores, comportant quatre paires de jumelles qui peuvent être recueillies individuellement et donner naissance à un nouveau mycélium.

L’utilisation d’agents mutagènes ou même la simple recherche de mutants spontanés permet aisément d’obtenir, chez les champignons, de nombreuses variations génétiques. Chez l’une des espèces les plus étudiées, Ascobolus immersus , les spores sont habituellement colorées en noir, mais on peut isoler des souches qui ont perdu par mutation l’aptitude à former du pigment et dont les spores restent donc blanches. Le croisement d’une souche normale et d’une souche à spores blanches donne alors naissance à des asques hybrides, qui contiennent, côte à côte, les deux types de spores.

Chez l’Ascobolus , les huit spores formées dans chaque asque sont projetées à l’extérieur par la rupture spontanée de l’enveloppe de l’asque et peuvent être recueillies sur une surface de verre par exemple. Il est alors facile de vérifier qu’à quelques très rares exceptions près chaque asque contient régulièrement quatre spores de chacun des deux types: coloré et non coloré (fig. 3). Les rares exceptions correspondent au phénomène appelé conversion, dont il sera parlé plus loin. Leur existence n’enlève rien à la signification de la situation habituellement rencontrée. La disjonction des gènes allèles, imaginée par Mendel pour rendre compte des proportions statistiques des ségrégations, est ici directement observée.

4. L’information génétique

La reconnaissance de la localisation chromosomique des gènes fut une première étape pour concrétiser des objets qui, au début, n’eurent guère plus de réalité que la fameuse vertu dormitive. Il fallut attendre la décennie qui s’étendit de 1950 à 1960 pour que fût franchie la seconde étape: les gènes sont des segments de molécules d’acide désoxyribonucléique, et leur activité dans la cellule consiste à servir de modèles pour la synthèse des chaînes polypeptidiques. Cette conclusion ne fut pas atteinte par des recherches conduites dans le seul domaine de la génétique; elle résulta d’une convergence entre plusieurs disciplines: chimie biologique, physiologie cellulaire, cytologie, bactériologie et virologie, et de cette convergence naquit une discipline nouvelle, appelée biologie moléculaire [cf. BIOLOGIE MOLÉCULAIRE].

Corrélativement, le progrès ainsi réalisé dans les connaissances biologiques déborde largement le but relativement modeste que se proposaient Mendel et ses continuateurs immédiats. À partir de l’étude des modalités selon lesquelles la variation génétique est transmise au cours de la reproduction sexuée, la génétique est maintenant parvenue à dévoiler le plus fondamental des mécanismes mis en jeu dans les systèmes vivants.

Les macromolécules codées

Dans l’ensemble des progrès accomplis, la reconnaissance de la structure et du rôle biologique des macromolécules codées, également appelées molécules informationnelles, est l’élément le plus significatif pour la représentation de ce qu’est réellement un système vivant.

Les macromolécules codées sont des édifices chimiques, dont le poids moléculaire, toujours très élevé, se chiffre en nano ou picogrammes. Elles sont formées par la répétition en séquence linéaire d’un groupement plus simple: le monomère. Les macromolécules sont donc des polymères, mais leur caractéristique essentielle est que les monomères n’appartiennent pas uniformément à la même espèce moléculaire, mais peuvent être choisis, en chaque point de la séquence, parmi un nombre limité d’espèces. On parle alors de copolymères. Il existe, dans les systèmes vivants, trois classes de macromolécules codées: les chaînes polypeptidiques ou polypeptides, constituants essentiels des protéines, et les deux acides nucléiques, l’acide ribonucléique (ARN) et l’acide désoxyribonucléique (ADN). Les polypeptides sont des séquences d’acides aminés, dont il existe vingt espèces; les deux acides nucléiques sont respectivement des séquences de ribonucléotides et de désoxyribonucléotides, qui peuvent, les uns et les autres, appartenir à quatre espèces moléculaires distinctes.

Une molécule copolymérique, constituée par l’enchaînement d’un nombre élevé de monomères, présente en fait quelques-unes des propriétés d’une phrase de notre langage écrit. Celle-ci est également une séquence linéaire de symboles, choisis à l’intérieur d’une collection définie. Comme dans le cas des phrases, il peut exister, dans chaque classe de macromolécules, une diversité quasi infinie d’espèces, qui ne diffèrent les unes des autres que par le nombre des monomères et surtout l’ordre dans lequel ils se succèdent le long de la séquence. Parce qu’il représente un choix à l’intérieur de ce vaste ensemble, chaque type individuel de macromolécule possède, comme une phrase, une véritable signification; il est porteur d’une certaine quantité d’information.

La formation des macromolécules codées à l’intérieur des systèmes vivants exige davantage que les autres synthèses. De la même manière qu’une phrase possédant un sens a peu de chance de pouvoir naître d’une mise bout à bout, au hasard, des symboles de notre langage, la synthèse d’une macromolécule ayant une signification biologique ne peut résulter de simples chocs aléatoires entre monomères. Elle exige la présence d’un modèle, qui apporte l’information indispensable à la mise en ordre correcte des monomères. Toutes les synthèses nucléiques et protéiniques des cellules sont donc en fait des opérations de reproduction, des opérations génétiques.

La nature du modèle utilisé établit alors une sorte de hiérarchie qui s’exprime par la séquence:

Cette séquence exprime le fait que, dans les cellules, les molécules d’ADN peuvent servir de modèles pour leur propre synthèse; elles sont dites autoreproductibles. Elles servent également de modèles pour la synthèse des molécules d’ARN, qui jouent le même rôle, à leur tour, pour la synthèse des polypeptides.

Les seules exceptions, connues, à cette situation se rencontrent chez des virus dont la molécule nucléique est de nature ARN. Cette molécule, qui au point de vue génétique joue le rôle d’un chromosome, est capable d’autoreproduction, grâce à l’intervention d’une enzyme spéciale. Certains virus à ARN (retrovirus) possèdent l’information pour une enzyme appelée transcriptase reverse et qui est capable d’effectuer une copie ADN de molécules d’ARN. Autrement dit, cette enzyme effectue la séquence ARNADN. Cette propriété permet à ces virus d’intégrer la forme ADN de leur génome aux chromosomes des cellules Eucaryotes.

Les mécanismes biochimiques mis en jeu par l’autoreproduction de l’ADN (réplication), la synthèse de l’ARN (transcription) et celle des protéines (traduction), font l’objet, depuis 1950 environ, de recherches très actives. Bien que certains détails restent encore à préciser et à approfondir, les aspects essentiels sont maintenant connus. Les différentes réactions biochimiques qui s’accomplissent dans les cellules à l’occasion de ces synthèses peuvent même actuellement être reproduites dans des systèmes in vitro , préparés à partir d’extraits cellulaires (cf. BIOLOGIE MOLÉCULAIRE, acides NUCLÉIQUES, PROTÉINES).

Un caractère des molécules d’ADN joue un rôle essentiel dans leur activité biologique: il s’agit de la structure duplex de la molécule. Depuis les travaux de J. Watson et F. Crick, on sait que les molécules natives d’ADN sont constituées normalement par deux chaînes polymériques enroulées parallèlement selon une double hélice. Les deux brins appariés présentent, à chaque niveau, des nucléotides dont les bases sont stéréochimiquement complémentaires . La molécule est donc formée de deux brins que l’on peut respectivement qualifier de positif et de négatif. Au cours de l’autoreproduction, chaque brin sert de modèle pour la mise en place d’un nouveau brin de polarité complémentaire, et les deux molécules filles sont constituées l’une et l’autre d’une partie parentale et d’une partie néoformée. L’arrangement duplex permet donc à une structure parentale de donner naissance à deux structures filles identiques en utilisant des processus de coaptation stéréochimique qui n’aboutissent pas à copier un modèle, mais à mettre en place son complément.

Le rôle génétique de l’ADN

Le développement des connaissances purement biochimiques sur les mécanismes mis en œuvre dans la synthèse des macromolécules a donc abouti à reconnaître la situation privilégiée occupée par l’ADN. Dans le même temps, des observations de nature plus biologique tendaient à imposer l’idée que les gènes étaient effectivement des segments de ce type de macromolécule. Les plus anciennes de ces observations ont été réalisées chez les bactéries et les virus bactériens (bactériophages).

Transformation bactérienne

Ce que l’on appelle transformation bactérienne est, à cet égard, l’un des phénomènes les plus significatifs, dont la découverte remonte aux observations de F. Griffith en 1926.

Il existe deux types de souches de l’agent de la pneumonie, le pneumocoque: dans le premier, les corps bactériens sont recouverts d’une capsule de mucopolysaccharides, qui les protègent en partie contre la phagocytose; dans le second, les corps bactériens restent nus. Ce second type est peu pathogène et, inoculé à des souris, ne provoque pas leur mort, alors que ce résultat est atteint régulièrement avec les bactéries du premier type. Or, l’inoculation à des souris d’un mélange de bactéries nues vivantes et de bactéries capsulées tuées par la chaleur provoque la mort des animaux, dont on peut ensuite extraire des bactéries capsulées vivantes.

Les bactéries vivantes ont donc réussi à s’annexer durablement l’une des propriétés génétiques des bactéries mortes: l’aptitude à former une capsule. On sait maintenant que l’observation de Griffith se rattache à l’un des processus parasexués des bactéries: le phénomène de transformation [cf. PARASEXUALITÉ ET CIRCULATION GÉNÉTIQUE]. Dans les bactéries tuées par la chaleur, la molécule duplex (ou bicaténaire) d’ADN qui joue le rôle de chromosome n’avait pas été détruite, et certains de ses fragments ont pu être absorbés par les bactéries non capsulées. Dans la suite, ces fragments s’insèrent dans le chromosome des accepteurs en se substituant aux régions homologues de celui-ci.

Les techniques de marquage des molécules biologiques par des radio-isotopes permettent une mise en évidence directe du phénomène de substitution. Des bactéries acceptrices, dont l’ADN n’est pas radioactif, sont mises en présence d’une préparation purifiée d’ADN radioactif extrait d’autres bactéries de même espèce. Il est ensuite possible d’observer que le chromosome des accepteurs contient, dispersés çà et là, de courts segments dans lesquels l’un des brins du duplex est radioactif.

Or, le phénomène coïncide avec un changement dans les propriétés génétiques des accepteurs. Dans l’expérience de Griffith, certains de ceux-ci ont acquis l’aptitude à synthétiser une capsule, ce qui leur a permis d’envahir l’organisme de la souris. On sait actuellement que n’importe quel caractère héréditaire des bactéries peut ainsi être transporté. La substitution au niveau moléculaire coïncide donc avec une recombinaison génétique : certains des gènes possédés en propre par les accepteurs sont remplacés par les allèles des donneurs. On ne peut donc échapper à la conclusion que les gènes sont des segments d’ADN.

Action des virus

La même conclusion est atteinte par l’étude des virus bactériophages, plus brièvement appelés phages. Les espèces dont, historiquement, l’étude a joué le rôle le plus important dans la reconnaissance de la signification biologique des acides nucléiques sont de gros phages ADN, parasites du colibacille, dont le prototype est connu par l’indicatif 2. Comme tous les virus, 2 peut exister sous forme de particules métaboliquement inertes, les virions. Le virion 2 présente une structure relativement complexe; mais, du point de vue biochimique, il ne contient que de l’ADN, sous forme d’une seule molécule duplex, et un certain nombre de protéines. Les virions 2 sont capables de s’attacher à la paroi des corps bactériens et, dans la suite, ceux-ci sont détruits en donnant naissance à de nouveaux virions. Or, en 1952, A. D. Hershey démontra pour la première fois que, des deux composants biochimiques du virion, seul l’acide nucléique est responsable de la continuité génétique de l’organisme. À la suite de l’adsorption des virions parentaux, l’acide nucléique est seul en effet à pénétrer à l’intérieur de la bactérie, les protéines restent à l’extérieur et sont rejetées. Cette démonstration peut être apportée en marquant par des radio-isotopes différents les deux types de molécules. On sait d’ailleurs actuellement que, chez les phages, comme chez beaucoup d’autres virus, il est possible d’obtenir un cycle complet avec production de virions en infectant les cellules avec le seul acide nucléique purifié du virion. Puisqu’il se montre capable à lui seul d’obliger les cellules hôtes à synthétiser l’ensemble des protéines nécessaires au déroulement du cycle et à la production d’une nouvelle génération de virions, cet acide nucléique est donc le support matériel des modèles génétiques du virus. Il représente en fait l’ensemble de ses gènes, son génome .

Génie génétique

Pendant vingt ans, des expériences de transformation analogues à celles réalisées chez les bactéries ont été tentées chez les Eucaryotes. Cependant, avant la mise au point des techniques du génie génétique, aucune preuve convaincante d’un transfert de gènes n’avait pu être apportée. Des expériences de transformation efficace sont réalisées sur des systèmes Eucaryotes variés, depuis la levure jusqu’aux cellules de mammifères [cf. TRANSFERTS DE GÈNES ET TRANSGÉNOSE]. On a ainsi, depuis 1978, la preuve directe que chez les Eucaryotes comme chez les bactéries l’information génétique est de nature ADN.

La relation un gène-un polypeptide

Une notion essentielle de la biologie moléculaire est la dépendance des polypeptides vis-à-vis des acides nucléiques. La mise en place des amino-acides dans les séquences requiert l’existence d’une molécule modèle, appelée ARN messager, dont la synthèse a nécessité un modèle génétique ADN.

Si ces modèles sont ce que les généticiens appellent des gènes, l’activité de ceux-ci dans les cellules doit se ramener à permettre la synthèse des polypeptides. Sur ce point également, l’accord entre les observations purement génétiques et les données de la biochimie s’est facilement établi.

Tant que les généticiens n’ont utilisé comme matériel expérimental que des organismes supérieurs, surtout animaux, il était en fait difficile de comprendre comment agissaient les gènes. C’est ainsi que, chez la drosophile, l’existence d’un gène est perçue lorsqu’on en possède au moins deux allèles, et le remplacement d’un allèle par l’autre se traduit par la modification d’un caractère qui peut porter, par exemple, sur la forme de l’aile, la longueur des soies ou encore la pigmentation du corps ou des yeux. Comprendre par quel enchaînement une modification au niveau du matériel génétique peut entraîner semblable répercussion nécessiterait une connaissance du mécanisme des processus de développement qui est le plus souvent loin d’être disponible.

La situation changea lorsque, vers 1940, débutèrent les recherches sur la génétique des micro-organismes, notamment des champignons. Le type de variation génétique le plus fréquemment rencontré dans ce cas portait sur les besoins nutritifs. On peut définir pour chaque espèce de micro-organisme hétérotrophe un milieu de culture qualifié de minimal, qui ne renferme que les substances strictement indispensables à la croissance. Pour le champignon Neurospora crassa , par exemple, ce milieu doit contenir un sucre, source de carbone et d’énergie, mais, à part une petite quantité d’une substance de croissance, la biotine, l’azote et le phosphore peuvent être apportés sous forme purement minérale.

Or, si le type génétique couramment rencontré dans la nature – et appelé type sauvage – peut croître et accomplir son cycle sur un tel milieu, il est facile d’isoler des mutants qui en sont incapables. Ces mutants peuvent cependant être cultivés sur un milieu complexe, abondamment fourni en métabolites de toute nature: amino-acides, bases puriques et pyrimidiques, etc. Ces types, incapables de croître sur un milieu minimal, sont qualifiés de mutants auxotrophes . Par rapport au type sauvage, ils sont des infirmes, incapables d’accomplir certaines opérations du métabolisme normal.

Les mutants auxotrophes ont fait l’objet de longues et minutieuses études, qui ont grandement contribué à étendre les connaissances, non seulement dans le domaine propre de la génétique, mais aussi dans celui du métabolisme cellulaire. Le point essentiel fut de reconnaître que pour chaque mutant, différant du type sauvage au niveau d’un seul gène, l’infirmité biochimique était le plus souvent étroitement spécifique. Une réaction particulière appartenant à une des chaînes de biosynthèse du métabolisme ne s’accomplit plus chez le mutant. Celui-ci ne peut alors subsister que si le milieu lui fournit directement soit la substance qui est le terme de la chaîne, soit l’un des métabolites intermédiaires situés en aval du point de blocage.

Le blocage de la réaction est dû à l’absence, dans les cellules, de l’enzyme qui normalement la catalyse. La mutation a donc eu pour effet d’empêcher la production, sous une forme biochimiquement efficace, de cette molécule à fonction enzymatique. Cette synthèse, possible en présence de l’allèle normal, cesse de l’être en présence de l’allèle muté. On est donc conduit à admettre que la fonction de certains gènes consiste à assurer la synthèse des molécules enzymatiques, et très souvent s’observe une correspondance biunivoque: un gène, une enzyme.

Or, les enzymes sont des molécules protéiniques, dans la constitution desquelles entre souvent une seule espèce de chaîne polypeptidique. La relation un gène-une enzyme n’est donc en fait que l’application, au cas particulier des molécules enzymatiques, d’une règle qui, de plus en plus, apparaît comme absolument générale: la fonction primaire d’un gène se ramène à la synthèse d’un polypeptide ; un gène sert donc de modèle pour la mise en place d’une séquence particulière d’aminoacides. La seule exception connue à cette règle concerne les unités du génome responsables de la synthèse de molécules ARN qui ne sont jamais traduites sous forme de polypeptides, mais servent d’outils biochimiques lors de la synthèse de ceux-ci. Tels sont les ARN de transfert et les ARN des ribosomes.

La génétique et la biochimie convergent donc vers une représentation du fonctionnement des systèmes vivants qui peut être schématisée ainsi. Les activités caractéristiques de la vie: construction de formes définies, mouvement, métabolisme, sont liées aux propriétés des molécules protéiniques, mais celles-ci ne peuvent être synthétisées qu’à partir de modèles nucléiques. Puisque les protéines sont responsables de toutes les transformations de matière et d’énergie qui s’accomplissent au sein des systèmes vivants, elles interviennent évidemment dans celles qui concernent aussi bien leur propre synthèse que l’autoreproduction de l’ADN. La séquence ADNARNprotéines n’est donc un circuit ouvert que pour le transfert de l’information; elle se referme au niveau du métabolisme. La vie apparaît donc comme une sorte de réaction circulaire et, dans la nature actuelle, elle n’est durable que grâce à la continuité stricte de l’ensemble du système. Ainsi qu’il est bien connu, toute cellule provient toujours d’une cellule préexistante, possédant à la fois un matériel génétique et un cytoplasme, siège d’un métabolisme permanent.

Le code génétique

Le transfert d’information qui va de l’ADN aux polypeptides s’accomplit en deux étapes. La première, qui correspond au passage de l’ADN à l’ARN, a reçu le nom de transcription ; la seconde, de l’ARN vers les protéines, est connue sous le nom de traduction . Le système de correspondance qui joue dans la transcription obéit au principe déjà rencontré au niveau de l’autoreproduction de l’ADN. Les bases caractéristiques de l’ARN, c’est-à-dire l’adénine (A), la guanine (G), l’uracile (U) et la cytidine (C) présentent en effet chacune une complémentarité stérique avec l’une des bases de l’ADN. La transcription se fait donc nucléotide à nucléotide.

La traduction fait intervenir un système de correspondance plus complexe, qui constitue ce que l’on appelle le code génétique. Grâce à des recherches d’ordre essentiellement biochimique, ce code est actuellement connu. On sait qu’un aminoacide est spécifié par une séquence de trois nucléotides, appelée mot de code ou codon . Les codons se succèdent bout à bout sur la molécule nucléique, dont la traduction régulièrement séquentielle opère par tranches de trois nucléotides. Le codon étant une séquence orientée, les quatre bases permettent soixante-quatre combinaisons. Trois d’entre elles, qualifiées de non-sens, ne correspondent à aucun aminoacide, mais paraissent servir de signes de ponctuation dans la lecture du message génétique. Le processus de mise bout à bout des aminoacides s’interrompt, et la chaîne est donc terminée lorsque la lecture en arrive à un codon non-sens.

Les soixante et un autres codons correspondent sans ambiguïté à l’un des vingt aminoacides, mais il existe évidemment des groupes de synonymes. La plupart des amino-acides possèdent plusieurs codons distincts, jusqu’à six pour certains d’entre eux. Cette situation est généralement exprimée en partant du caractère dégénéré du code génétique [cf. BIOLOGIE MOLÉCULAIRE].

L’ensemble des données génétiques et biochimiques accumulées à ce jour ont montré que le code génétique est universel. En effet, des bactéries à l’homme, qu’il s’agisse du génome cellulaire ou de celui des virus spécifiques de chaque type cellulaire, un codon a la même signification en terme d’acide aminé. Il existe cependant quelques exceptions à cette universalité du code génétique. Elles se rencontrent dans les mitochondries où, par exemple, l’un des codons non-sens correspond à un acide aminé. Le système de traduction mitochondrial n’utilise donc que deux codons pour terminer la synthèse des polypeptides.

5. La cytogénétique

Ainsi qu’il a été montré précédemment, le rapprochement entre ségrégation mendélienne et comportement des chromosomes à l’occasion de la reproduction sexuée amena, dès le début du siècle, à reconnaître l’importance génétique des chromosomes. Quelques années plus tard, une équipe de biologistes célèbres, dont le leader fut T. H. Morgan, entreprit des recherches en utilisant comme matériel la mouche du vinaigre, Drosophila melanogaster . En étudiant, chez cet insecte, les phénomènes de recombinaison entre gènes, ils démontrèrent que le chromosome présente une architecture précise; les gènes sont en effet arrangés linéairement, et chacun d’eux occupe un emplacement déterminé appelé son locus .

Ultérieurement, l’utilisation de micro-organismes comme matériel de recherches génétiques a permis une analyse beaucoup plus fine des phénomènes de recombinaison, et cela a conduit à une représentation de l’architecture génétique du chromosome qui rejoint les connaissances actuelles sur la nature ADN des gènes.

Liaisons génétiques et cartes factorielles

Au cours de ses expériences sur le pois cultivé, Gregor Mendel n’avait rencontré que des cas de ségrégation indépendante: les hétérozygotes multiples nés de ses croisements produisaient, avec des fréquences égales, tous les types génétiques possibles de gamètes. Ce résultat, bien que rendu a priori probable par le nombre élevé de chromosomes du pois, fut en partie un accident historique. La drosophile ne possède que quatre paires de chromosomes dans sa garniture diploïde et, en répétant les expériences de Mendel avec cet organisme, les généticiens de l’équipe de Morgan découvrirent aisément l’existence d’autres situations, qui correspondent à ce qui est appelé la liaison génétique .

Le type de situation rencontré, dans le cas de liaison, est illustré par le tableau. Il présente les résultats numériques obtenus dans un croisement de drosophiles, dans lequel interviennent quatre gènes mutés récessifs, représentés respectivement par les symboles st , p , ss , et e . Les mêmes symboles, accompagnés du signe +, figurent les allèles normaux, ceux qui se trouvent généralement dans des drosophiles récoltées à l’état sauvage. Le croisement est réalisé de la manière suivante: le point de départ est constitué par deux souches pures, l’une de type sauvage, génotype:

l’autre homozygote pour les quatre allèles mutés, génotype:

Les individus de première génération sont donc hétérozygotes pour les quatre gènes; leur génotype est:

Dans le but d’étudier les types de gamètes produits par les femelles, celles-ci sont croisées à des mâles de la souche qui porte les allèles mutés. Avec ce dispositif, malgré le caractère dominant des allèles normaux, le phénotype de chaque descendant correspond de manière biunivoque au génotype du gamète femelle qui lui a donné naissance. La statistique a porté sur 17 866 descendants.

Il est clair que, si les seize types possibles de gamètes se rencontrent bien effectivement, leurs fréquences sont très dissemblables. La majorité de la population est formée par ceux dans lesquels les gènes restent associés comme dans les gamètes parentaux qui ont donné naissance aux femelles hétérozygotes. Les types recombinés sont plus rares. À quelques légères distorsions près, dues en partie aux erreurs statistiques, les catégories complémentaires, groupées sur le tableau, se rencontrent avec des fréquences égales.

Dans le cadre de la théorie chromosomique de l’hérédité, la différence entre les deux situations observées: recombinaison indépendante et recombinaison avec liaison, s’explique aisément. Dans le premier cas, il s’agit le plus souvent de gènes portés par des paires de chromosomes différentes; dans le second, à coup sûr, de gènes portés par la même paire.

On sait que la méiose, en ramenant la garniture chromosomique au niveau haploïde, entraîne la disjonction des paires d’allèles. Lorsque des gènes sont portés par des paires de chromosomes différentes, les événements qui décident, au niveau de chacun d’eux, du choix de l’allèle retenu dans un gamète restent indépendants les uns des autres. Il n’en est pas de même pour des gènes situés sur la même paire, et les associations parentales vont avoir alors tendance à être conservées préférentiellement.

Cette liaison serait même totale si la méiose se bornait à séparer les deux chromosomes homologues de chaque paire. Cette situation se réalise en fait pour l’un des sexes, chez quelques organismes exceptionnels, mais, très généralement, il n’en est pas ainsi. Les paires ne se séparent qu’après avoir subi un certain nombre d’échanges de segments homologues (phénomène de crossing-over ). Ce sont ces échanges qui sont responsables de l’apparition des quatorze catégories de gamètes recombinés, apparentes sur le tableau.

L’examen de données numériques du type de celles rapportées dans le tableau suggère alors que les gènes sont arrangés linéairement sur le chromosome. L’ordre de cet arrangement peut être retrouvé, et il est possible de définir une grandeur qui mesure d’une certaine manière la distance qui les sépare. Il suffit pour cela d’admettre que les échanges s’opèrent de manière aléatoire tout le long du chromosome. Il devient alors apparent, par exemple, que les gènes st , p , ss , et e doivent effectivement être disposés dans cet ordre. S’il en est ainsi, en effet, les catégories recombinées II, III et IV ne nécessitent pour leur formation qu’un seul échange et doivent donc être les plus probables; deux sont nécessaires pour V, VI et VII, qui sont plus rares, et trois pour la catégorie VIII, dont la fréquence est extrêmement faible.

La poursuite de ce type de raisonnement aboutit à la construction de ce qui est appelé les cartes factorielles des chromosomes. Ce sont des graphiques sur lesquels sont disposés linéairement les gènes dont l’existence a pu être détectée. La distance qui sépare deux gènes sur la carte est appelée distance génétique; c’est une grandeur égale, par définition, à cent fois le nombre moyen de points d’interchange qui s’observent entre les deux gènes sur les chromatides issues de la méiose.

La distance entre les gènes st et ss de la drosophile sera par exemple évaluée à 10,10 d’après les données du tableau. En effet, parmi les chromosomes examinés, les classes II, III, V et VII, représentant au total un pourcentage de 9,52, montrent un unique interchange apparent entre st et ss . Il faut y ajouter la contribution des classes VI et VIII, qui, l’une et l’autre, comportent deux interchanges visibles. Leur contribution à la distance est donc égale à 2 憐 0,29, soit 0,58.

Cette distance est ici manifestement supérieure à ce qui est appelé le pourcentage de recombinaison entre les deux gènes. Celui-ci correspond à la fréquence globale des chromosomes, dans lesquels les allèles ne sont pas associés, comme ils l’étaient dans les gamètes parentaux. Les classes VI et VIII n’interviennent donc pas dans son calcul. La distance entre deux gènes ne peut être considérée comme égale au pourcentage de recombinaison que dans la mesure où la fréquence des interchanges multiples peut être négligée. Cette situation est réalisée lorsque les deux gènes sont très voisins l’un de l’autre.

Étant donné que les interchanges ne sont perçus que grâce à l’existence de différences d’allèles jalonnant le chromosome, il est clair que pour connaître avec précision la distance entre deux gènes éloignés, il est nécessaire de disposer d’autres gènes qui serviront de jalons intermédiaires.

Des cartes factorielles, plus ou moins complètes, des divers chromosomes de la garniture sont actuellement disponibles pour quelques espèces animales et végétales. La figure 4 présente une carte simplifiée du troisième chromosome de Drosophila melanogaster , sur laquelle ont été reportés notamment les gènes qui figurent sur le tableau.

La comparaison des données génétiques et cytologiques, en particulier l’utilisation de souches présentant des remaniements chromosomiques (voir ci-dessous), a permis d’établir la relation entre carte factorielle et structure chromosomique. Ces données montrent que l’ordre des gènes établi par la méthode génétique correspond bien à celui qu’ils présentent sur la structure cytologique. La possibilité de cultiver des cellules animales in vitro et de les fusionner [cf. FUSIONS CELLULAIRES] a, par ailleurs, ouvert la voie à une véritable génétique des cellules somatiques. Les résultats obtenus montrent que les données génétiques obtenues chez les micro-organismes Eucaryotes et chez la drosophile sont généralisables aux chromosomes des mammifères.

Chez les virus et les bactéries, il n’existe pas de reproduction sexuée, et les cartes factorielles ne peuvent être construites en utilisant exactement les mêmes principes. Chez ces organismes cependant, des phénomènes de recombinaison se produisent, à l’occasion notamment des processus parasexués des bactéries. L’étude quantitative de ces phénomènes permet alors de reconstituer l’arrangement des unités génétiques. Là encore, on aboutit à une carte linéaire. Chez le colibacille, elle est circulaire, ce qui correspond à l’existence d’une molécule d’ADN – fermée sur elle-même.

L’ultrastructure des gènes

La reconnaissance du fait que les gènes sont arrangés linéairement sur les chromosomes des Eucaryotes, comme sur les molécules nucléiques nues des Protocaryotes, ne fut qu’une première étape. Une analyse plus précise des phénomènes de recombinaison allait permettre de connaître la structure interne des unités génétiques et de retrouver, à ce niveau également, un arrangement linéaire. Corrélativement, les notions étroitement liées de gènes et d’allèles allaient être approfondies et précisées.

Techniquement, cette seconde étape a nécessité l’utilisation de micro-organismes comme matériel de recherche, l’avantage essentiel étant la possibilité de mettre en évidence, dans ce cas, parmi de très grands nombres de produits de méiose, l’existence de types recombinés rares, qui passent inaperçus chez les organismes supérieurs.

Recombinaisons intragéniques

Le type d’expériences qui a conduit à ce nouveau développement des connaissances génétiques correspond aux opérations appelées tests d’allélisme. Pour les pratiquer dans les conditions les plus favorables, il faut disposer d’un micro-organisme présentant une reproduction sexuée et dont la croissance puisse être observée aussi bien en diplophase qu’en haplophase. Certains champignons ascomycètes, notamment la levure du boulanger, Saccharomyces cerevisiae , fournissent un matériel particulièrement commode.

Un premier temps consiste à établir une collection de souches haploïdes mutées, qui présentent le même phénotype, mais dont chacune remonte à un événement «mutationnel» distinct. Le plus souvent, le phénotype muté correspond à une exigence nutritionnelle. Les souches mutées collectionnées sont incapables de conduire à son terme l’une des chaînes de biosynthèse de l’organisme normal; ce sont donc des mutants auxotrophes. Elles sont par exemple incapables de synthétiser l’adénine; on les qualifie d’ad -, le type sauvage étant ad +.

Dans un deuxième temps, chacune des souches mutées ad - est individuellement croisée avec la souche ad +. Avec ce type d’organisme, l’opération de croisement comporte tout d’abord la production de cellules diploïdes, puis l’induction de la méiose. L’observation du phénotype des cellules diploïdes, puis de celui des produits de méiose, conduit alors à identifier, parmi la collection, les souches chez lesquelles la mutation n’a touché qu’un seul gène. Dans ce cas, en effet, une disjonction régulière 1/2 ad -, 1/2 ad + s’observe après la méiose. Les défauts biochimiques étant normalement récessifs, le phénotype du diploïde est ad +. Dans un troisième temps, les mutés qui remplissent ces conditions sont croisés deux à deux; à l’occasion de chaque confrontation, on fait les deux observations suivantes: le diploïde est-il ad + ou ad - (test de complémentation)? Existe-t-il ou non des recombinés ad + parmi les produits de méiose (test de recombinaison)?

Or, dans les expériences de ce type, les diverses confrontations réalisées se répartissent toujours en trois classes distinctes: les deux premières pouvaient être prévues à partir des notions classiques, la troisième a nécessité une révision de la notion de gène (fig. 5).

Dans la première classe, les réponses aux deux tests sont l’une et l’autre positives. Les deux génomes mutés «se complémentent» dans les cellules diploïdes, et des ad + s’observent après méiose. Leur fréquence, toujours assez élevée, peut atteindre 25 p. 100 dans les cas de recombinaison indépendante. La conclusion est évidemment que le défaut biochimique résulte dans les deux cas de l’atteinte de deux gènes distincts. Les produits de ceux-ci interviennent bien l’un et l’autre dans la chaîne de biosynthèse de l’adénine, mais à des étapes différentes. Le diploïde est alors un hétérozygote double pour deux gènes récessifs, et son phénotype est donc normal. La méiose fait apparaître des ad + par recombinaison entre les gènes.

Dans la deuxième classe, les deux réponses sont au contraire négatives. Le diploïde présente un phénotype muté, et aucune spore de type sauvage n’apparaît après la méiose. Il doit effectivement en être ainsi si la けutation a, dans les deux cas, touché la même unité génétique et donné naissance à deux allèles identiques, ou tout au moins incapables de recombinaison; on parle alors d’homoallèles [cf. MUTATIONS]. Le diploïde est un homozygote récessif et ne peut donner lieu à aucune ségrégation.

Plus fréquemment que dans le cas précédent se produit un troisième type de situation: le test de complémentation reçoit bien de la même manière une réponse négative, mais la méiose fait apparaître des produits ad +. Ils sont toutefois toujours beaucoup plus rares que dans le premier cas, et leur fréquence descend à un pour 10 000 ou 100 000. Cela prouve que deux mutations distinctes ont pu toucher la même unité génétique et la rendre incapable de remplir sa fonction physiologique et, cependant, conduire à des allèles qui, par recombinaison, peuvent donner naissance à une unité non mutée; ces allèles capables de recombinaison sont appelés hétéroallèles.

Il faut conclure que le phénomène de recombinaison ne consiste pas seulement en un échange de gènes entiers entre chromosomes homologues; il peut aussi intervenir au niveau des différentes parties d’un même gène. Cela doit être effectivement possible si la recombinaison intéresse une molécule d’ADN et si un gène est une séquence de nucléotides. Les conclusions de la génétique rejoignent donc ici encore celles de la biochimie.

L’étude des recombinaisons à l’intérieur d’un gène a permis d’aller plus loin que cette simple conclusion qualitative. Puisque les parties d’un gène sont capables de subir des mutations indépendamment les unes des autres et peuvent être recombinées, il devient possible d’en reconstituer l’architecture interne, en utilisant, comme pour la construction des cartes factorielles, les fréquences de recombinaison. On aboutit ainsi à des cartes, dites intragénétiques, qui indiquent les positions relatives, à l’intérieur d’un gène, des sites où ont pu se produire des mutations. Comme dans le cas des gènes sur les chromosomes, l’arrangement des sites est linéaire.

Ces données ont bouleversé la notion simpliste selon laquelle le gène était à la fois unité de fonction, de mutation et de recombinaison. Pour clarifier la situation, on a cru bon, à cette époque, d’inventer des mots pour distinguer ces trois notions. Les termes de muton (unité de mutation) et recon ont rapidement été abandonnés. En revanche, le terme de cistron , synonyme de gène dans le sens d’unité fonctionnelle définie par le test de complémentation, est encore utilisé. On sait maintenant que le gène est une séquence de nucléotides codant pour une polypeptide spécifique. L’unité de mutation est le nucléotide. L’unité de recombinaison correspond à la distance qui sépare deux nucléotides adjacents.

Gènes morcelés

Les découvertes de la biologie moléculaire ont montré que la structure de certains gènes eucaryotes est plus complexe que celle des gènes bactériens. Ainsi la séquence de nucléotides qui code pour la chaîne polypeptidique de l’hémoglobine n’est pas continue sur le chromosome. Elle est morcelée en trois régions séparées par deux séquences de nucléotides qui n’interviennent pas dans le codage du polypeptide. Ces gènes ont une structure dite morcelée, ou éclatée, ou en mosaïque. Les régions codantes sont appelées exons et les régions non codantes, introns (cf. BIOLOGIE MOLÉCULAIRE). L’ensemble (exons et introns) est transcrit en une longue molécule d’ARN. Les séquences introniques sont excisées et les fragments exoniques rassemblés pour donner la molécule d’ARN messager qui sera transportée dans le cytoplasme où elle permettra la synthèse d’un polypeptide défini. Tous les gènes eucaryotes n’ont cependant pas cette structure, et le rôle biologique éventuel des introns reste un sujet de controverse (cf. GÉNOME - Génome nucléaire).

Mécanisme de la recombinaison génétique

Les phénomènes de recombinaison génétique sont susceptibles d’intervenir à deux niveaux différents. Le premier correspond à la disjonction indépendante de gènes situés sur des chromosomes différents, et son mécanisme ne soulève pas de problème (voir ci-dessus recombinaison par ségrégation indépendante). L’autre niveau implique des échanges de matériel génétique entre chromosomes homologues. Or, il est maintenant bien établi que chaque chromosome est constitué d’une unique molécule duplex d’ADN. Les recombinaisons intrachromosomiques impliquent donc des réarrangements internes des molécules d’ADN.

Une première étape dans l’analyse des phénomènes a consisté à reconnaître que la recombinaison entre les gènes, classiquement appelée crossing-over , consistait en des échanges matériels de segments entre chromosomes homologues, et que les points d’échanges étaient visibles cytologiquement sous la forme de chiasmas . Vers la fin de la prophase de la première division de la méiose, les chromosomes ont déjà accompli leur reproduction, et la paire d’éléments homologues comprend donc quatre chromatides ; on parle de tétrades [cf. GAMÈTES ET GAMÉTOGENÈSE]. La tétrade se présente sous forme de boucles successives dont les branches sont formées de deux chromatides étroitement appariées. Les points de contact entre les boucles correspondent aux chiasmas; à leur niveau se produit un changement de partenaires entre chromatides (fig. 6).

Or, on a pu montrer que les segments de chromatides appariés sur les branches des boucles provenaient toujours du même chromosome. La disposition cytologiquement visible est donc la conséquence de crossing-over qui se sont produits antérieurement, sans doute au cours du stade pachytène de la méiose. Ces crossing-over ont fait apparaître des chromatides dont les différents segments sont issus de chromosomes homologues distincts. La formation d’un chiasma témoigne qu’en ce point deux des quatre chromatides ont subi un crossing-over.

Reconnaître que les chiasmas révèlent l’existence du crossing-over n’apporte aucune information sur son mécanisme, et celui-ci fait encore l’objet d’hypothèses. Ce que l’on en sait découle de l’étude des recombinaisons de niveau intragénétique. Cette étude est en cours, mais deux conclusions essentielles peuvent être considérées comme acquises.

La première concerne la relation entre recombinaisons intragéniques et phénomènes de conversion. On utilise ce terme pour désigner de rares exceptions à la règle de disjonction régulière des paires d’allèles. L’existence de ces exceptions paraît générale et peut être mise en évidence chez les ascomycètes. Lorsque des asques sont le siège d’une disjonction entre deux allèles a et a , en immense majorité ils renferment autant de produits a que de produits a . Des asques anormaux, dans lesquels la méiose a donné naissance à un excès de l’un ou de l’autre des deux allèles, se rencontrent toutefois avec une fréquence de l’ordre du millième. Or, c’est très souvent dans les asques, sièges d’une telle conversion, que l’on trouve les spores qui sont recombinées pour deux hétéroallèles.

Le second point est que les spores recombinées pour deux hétéroallèles d’un certain gène sont, fréquemment, mais non toujours, recombinées pour les gènes situés de part et d’autre du cistron sur la carte factorielle. Une conversion s’accompagne donc souvent d’un crossing-over pour les régions qui l’encadrent. De ces faits a pu être dégagée une représentation du crossing-over différente du schéma classique. À titre d’exemple, il a été proposé pour rendre compte des phénomènes de recombinaison réciproque et de conversion le modèle schématisé à la figure 7. Les différentes étapes du processus seraient les suivantes. Il y aurait cassure d’un brin d’ADN de deux molécules homologues. Chacun des brins cassés se séparerait du brin complémentaire pour aller s’apparier, sur une certaine longueur, au brin complémentaire de l’autre molécule. Une liaison covalente s’établirait, entraînant la formation d’un demi-chiasma. La situation pourrait être résolue de deux manières différentes. Une nouvelle cassure, sur les mêmes brins, conduirait à deux molécules comportant une région d’ADN «hybride». Une cassure sur les deux brins non encore affectés entraînerait une recombinaison réciproque associée à une zone d’ADN hybride.

Si les deux molécules (les deux chromatides) diffèrent par une mutation au niveau de l’ADN hybride, celui-ci comporte un mauvais appariement de bases.

Cette anomalie peut être reconnue par des enzymes spécifiques qui vont restaurer une association orthodoxe de nucléotides, entraînant ainsi, éventuellement, un phénomène de conversion. Selon la manière dont se résout le demi-chiasma, on peut donc observer une conversion associée ou non à un crossing-over. Ce modèle rend compte d’un certain nombre de faits observés par les généticiens chez les ascomycètes et tient compte des données moléculaires obtenues sur la recombinaison chez les bactériophages. Il ne s’agit cependant que d’un modèle, et les mécanismes moléculaires mis en jeu lors de la recombinaison chez les Eucaryotes fait encore l’objet d’études approfondies.

Les remaniements chromosomiques

Avec les complications qui viennent d’être signalées, les phénomènes de recombinaison consistent essentiellement en des échanges de segments homologues entre chromosomes homologues. Accidentellement, les chromosomes sont susceptibles de subir des modifications de structure d’un autre type. Le phénomène correspond à l’une des trois grandes classes de mutations: les mutations chromosomiques (cf. MUTATIONS et CHROMOSOMES). Une mutation chromosomique comporte deux étapes: la première est la production de ruptures de continuité dans un ou plusieurs des chromosomes, la seconde est le recollement des segments isolés par ces cassures. Ce recollement conduit éventuellement à la production de chromosomes remaniés, dont les différents segments ne sont plus arrangés comme ils l’étaient antérieurement. La figure 8 donne un exemple d’un remaniement dans lequel, après cassure de deux chromosomes non homologues, ceux-ci ont échangé le segment terminal.

L’existence de chromosomes remaniés peut souvent être perçue à l’examen cytologique. Les cellules qui les contiennent sont dites avoir subi un changement de caryotype. De tels changements sont un des résultats fréquents de l’action des radiations ionisantes.

Le recollement des chromosomes après cassures intéresse lui aussi les molécules d’ADN, dont la continuité doit être rétablie. Les mécanismes biochimiques mis en jeu dans cette réparation ont donc des points communs avec ceux qui jouent dans la recombinaison.

6. L’expression génique: gènes et vie cellulaire

Une cellule d’organisme supérieur contient, dans son lot de chromosomes, une quantité d’ADN équivalente à des millions de gènes. Immense rassemblement d’unités génétiques, la cellule reste toutefois, elle aussi, une unité dans son métabolisme et sa reproduction. Les activités des gènes sont donc intégrées dans le cadre d’une organisation de niveau supérieur.

L’intégration cellulaire suppose tout d’abord que les fonctions exercées par les différents gènes se complètent pour assurer la vie globale de la cellule. Cette coopération est facilement perçue lorsque l’on étudie les relations entre les gènes et les caractères. Il apparaît alors que ceux-ci résultent souvent d’interactions complexes entre de nombreux gènes [cf. HÉRÉDITÉ]. On sait, en outre, que ces interactions n’intéressent pas seulement les gènes des chromosomes, mais un matériel génétique de nature ADN, qui existe dans les mitochondries et aussi dans les plastes des cellules végétales.

L’intégration cellulaire suppose également que les activités des unités génétiques ne s’exercent pas de manière indépendante et anarchique, mais soient coordonnées par des mécanismes de régulation. Ceux-ci permettent à la cellule de s’adapter au milieu en utilisant de manière variée ses unités génétiques. Leur jeu intervient également dans la différenciation des cellules des organismes pluricellulaires et dans certains phénomènes d’hérédité non chromosomique.

La régulation de l’activité des gènes

Les modalités de cette régulation sont maintenant très bien connues chez les micro-organismes, tels que bactéries ou levures. Ces cellules, vivant en contact direct avec un milieu extérieur susceptible de subir d’importants changements, ne maintiennent leur intégrité que par l’adaptation de leur métabolisme aux conditions du moment. Une partie des modifications ainsi induites ne se produisent pas au niveau des gènes eux-mêmes (régulation allostérique de l’activité des enzymes), mais le milieu peut également agir sur l’activité des gènes.

Les enzymes qualifiées d’adaptatives fournissent les exemples les plus simples de ce type de phénomène, le cas le plus classique étant la 廓-galactosidase du colibacille. À cette molécule enzymatique correspond dans le génome de la bactérie un gène de structure , qui est le modèle du polypeptide. Or, ce gène n’est actif, c’est-à-dire ne synthétise l’ARN messager, que lorsque la bactérie est en présence de lactose. La régulation fait intervenir un second gène, dit de contrôle, qui est responsable de la synthèse d’une substance appelée répresseur . En l’absence de lactose, le répresseur bloque l’activité du gène de structure; mais le lactose forme avec le répresseur un complexe et l’empêche d’exercer sa fonction. Le lactose agit donc comme inducteur de l’enzyme qui permet son utilisation.

Un aspect intéressant de ces phénomènes est que les gènes ne sont généralement pas isolés dans leur réponse aux répresseurs. Il existe dans le génome des groupes de gènes contigus qui ont reçu le nom d’opérons . Les gènes d’un opéron sont toujours soit actifs, soit réprimés en même temps. La similitude de réaction est liée au fait qu’une seule molécule d’ARN messager est synthétisée par l’ensemble. Le messager polygénique est ensuite traduit en autant de polypeptides qu’il y a de gènes contigus.

Chez les organismes pluricellulaires, les régulations du métabolisme cellulaire se présentent sous un aspect différent. Dans ce cas, en effet, la cellule n’est directement en contact qu’avec un milieu intérieur dont les caractéristiques sont maintenues plus ou moins strictement constantes par les régulations du niveau organisme. C’est alors surtout en réponse à des stimuli de nature nerveuse ou hormonale que les gènes peuvent passer de l’état actif à l’état inactif ou vice versa; les transformations subies à cette occasion par les cellules entrent dans le cadre des phénomènes de différenciation. Par ailleurs, le contrôle de l’expression des gènes est certainement plus complexe chez les Eucaryotes que chez les Procaryotes. Le seul fait que transcription et traduction s’effectuent dans deux compartiments différents (noyau et cytoplasme) contribue à la superposition de différents niveaux de régulation (cf. GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE, RÉGULATIONS BIOCHIMIQUES).

L’hérédité non chromosomique

On sait depuis longtemps qu’il existe des cas d’hérédité qui n’obéissent pas aux règles mendéliennes, aucune disjonction de caractères n’étant observée au moment de la méiose. Le domaine de cette hérédité non chromosomique a longtemps été représenté par un ensemble de faits disparates, dont aucune théorie unitaire ne paraissait pouvoir rendre compte. La situation s’est actuellement quelque peu éclaircie. La plupart des faits connus peuvent en effet être rattachés à deux catégories de phénomènes, celle qui fait intervenir l’ADN des mitochondries ou des plastes, et celle qui relève de l’hérédité de régime.

Rôle des mitochondries et des plastes

Les mitochondries sont des organites régulièrement rencontrés dans le cytoplasme des cellules des Eucaryotes. Leur forme extérieure est variable, mais leur structure fine révélée par le microscope électronique est très constante. Ces organites sont le siège des réactions du catabolisme respiratoire. Celui-ci, la plus répandue des voies utilisées par les systèmes vivants pour mobiliser à leur profit l’énergie libre puisée dans le milieu, aboutit globalement à une consommation d’oxygène et à un rejet de gaz carbonique. Or, on peut observer des cellules qui ont perdu génétiquement l’aptitude à la respiration. Elles se rencontrent notamment chez la levure de boulangerie, où, grâce aux réactions de fermentation, la perte est conciliable avec la survie et la multiplication.

On sait maintenant que cette perte, tout au moins dans certains cas, est la conséquence de mutations qui ont touché l’ADN des mitochondries. Celui-ci est constitué par des molécules duplex nues, qui ressemblent curieusement à des chromosomes de bactéries. Leur activité s’exerce par la voie biochimique normale, et les mitochondries sont le siège d’une synthèse de protéines dont les modèles génétiques sont sur place. Les données génétiques et biochimiques ont permis de montrer que certains constituants de la chaîne respiratoire (le cytochrome b, plusieurs polypeptides participant à la cytochrome oxydase, d’autres participant à l’ATPase) sont codés par le génome mitochondrial et synthétisés dans la mitochondrie. Ce compartiment cellulaire possède en effet son appareil de traduction propre (ribosomes, ARN de transfert, etc.). Le génome mitochondrial [cf. GÉNOME], porte l’information pour les ARN ribosomiques (et les ARN de transfert) alors que les protéines du ribosome mitochondrial sont codées par des gènes nucléaires, traduites dans le cytoplasme puis transportées dans la mitochondrie. Les mutations qui affectent l’ADN mitochondrial sont transmises héréditairement de manière non mendélienne (fig. 9).

Dans les cellules végétales se rencontrent, à côté des mitochondries, les plastes, dont l’ultrastructure est voisine, mais le rôle différent. Dans les cellules des tissus jeunes, ils se présentent sous forme de petites vésicules peu structurées: les proplastes. Lorsque se développent les parties vertes du végétal, les proplastes grossissent, acquièrent une structure plus complexe et se chargent de chlorophylle. Cette évolution aboutit aux chloroplastes, qui sont le siège de la photosynthèse. Or, de la même manière que les mitochondries peuvent devenir inaptes à remplir la fonction respiratoire, les plastes peuvent perdre génétiquement l’aptitude à accumuler la chlorophylle. Certains phénomènes de panachure, observés chez les plantes supérieures, relèvent de changements génétiques de cette nature. L’existence dans ces organites de molécules d’ADN a pu être démontrée. De nouveau, l’obtention de mutants à hérédité non mendélienne, affectant le fonctionnement du chloroplaste, et leur analyse biochimique, a permis de dégager une image du génome chloroplastique. Comme l’ADN mitochondrial, l’ADN chloroplastique code pour certains des composants de l’appareil de traduction propre à l’organite ainsi que pour certaines protéines de l’appareil photosynthétique (un des polypeptides de la ribulose 1,5-biphosphate carboxylase, certains polypeptides de l’ATPase, de nombreuses protéines faisant partie des membranes photosynthétiques).

Plastes et mitochondries apparaissent donc capables de reproduction conforme et aptes à subir des mutations. On les dit doués de continuité génétique covariante. Cette propriété est liée à l’existence dans ces organites de modèles génétiques ADN. Certains faits montrent toutefois l’existence d’une situation complexe au niveau de la population globale d’organites d’une cellule. Au moment des divisions cellulaires, cette population n’apparaît pas comme simplement formée de quelques dizaines ou centaines d’unités indépendantes, dont la progéniture serait répartie au hasard entre les cellules filles. Des interactions semblent relier les mitochondries et les plastes d’une même cellule, ce qui peut faire, en tout cas, apparaître le rôle du patrimoine génétique dans la structuration cellulaire.

L’hérédité de régime

Chez divers micro-organismes ont été rencontrés des faits d’hérédité non chromosomique qui, selon toute apparence, ne font pas intervenir de modifications dans la structure de molécules génétiques. C’est ainsi que, chez certains champignons, la croissance peut s’opérer selon deux modalités distinctes. Une fois adoptée, chacune d’elles a tendance à être maintenue au cours du développement du mycélium; elle est donc transmise par hérédité cellulaire. Chez les espèces où existe une reproduction sexuée, on peut en outre observer que le mycélium issu de la germination d’une spore reste fidèle au caractère du parent qui a fourni le gamète femelle (hérédité maternelle). Des transitions d’un état à l’autre peuvent toutefois être observées ou même provoquées. L’un des états manifeste un caractère contagieux et un contact cytoplasmique déclenche une transformation qui se propage de proche en proche.

L’explication de ces phénomènes fait intervenir le jeu des régulations. L’alternative observée dans les modalités de croissance correspond à l’activité ou à la non-activité de certains gènes, et chacun des deux états tend à persister grâce à un mécanisme d’auto-entretien . Dans les cas les mieux connus, il apparaît qu’un gène ne peut se maintenir actif qu’en présence d’une concentration suffisante de son propre produit. Sinon, il est en quelque sorte désamorcé et tendra à rester dans cet état d’une manière métastable. Il s’agit donc en définitive d’une hérédité de régime. L’activité des cellules peut, dans certains cas, s’établir selon au moins deux régimes auto-entretenus distincts.

Chez les micro-organismes, les phénomènes de cette nature relèvent indiscutablement du domaine de la génétique, puisqu’il s’agit de caractères que l’on peut introduire dans les croisements. Chez les organismes supérieurs, des mécanismes biologiques analogues se retrouvent dans la différenciation cellulaire. Il est bien connu qu’un organisme supérieur dérive normalement d’une cellule unique, l’œuf, et que, cependant, ses différents tissus sont faits d’éléments très dissemblables. Dans les conceptions actuelles, la différenciation repose sur le choix des parties du génome qui sont actives au moment présent ou l’ont été à certaines périodes critiques de l’évolution des cellules différenciées. Le mécanisme invoqué est donc fondamentalement le même que celui qui est responsable de l’hérédité de régime. Dans certains cas, la différenciation cellulaire se maintient dans des cellules cultivées in vitro ; elle est donc en quelque sorte héréditaire.

7. Évolution et génétique

La réalité de l’évolution s’est imposée aux biologistes bien avant que n’aient pu se développer des connaissances précises sur le mécanisme de la reproduction. Les théories de l’évolution proposées au cours du siècle dernier ne reposaient donc en fait sur aucune base scientifique sérieuse. Tenter d’apporter cette base est évidemment l’une des tâches les plus importantes de la génétique. Les notions, maintenant classiques, relatives à la nécessité de distinguer entre variation acquise et variation génétique, et aux modalités d’apparition de la variation génétique en constituent évidemment les éléments fondamentaux. En outre, trois branches des connaissances génétiques sont plus spécialement concernées. La première est l’étude de la variabilité des populations naturelles; la deuxième, généralement appelée génétique des populations, est l’étude des données statistiques capables d’expliquer la structure des populations; la troisième est concernée par l’analyse des différences qui séparent les espèces et la nature des barrières génétiques.

Variation génétique des populations

Dans le domaine de la génétique, on entend par population un ensemble d’organismes présentant un lien génétique. Selon le mode de reproduction, il existe plusieurs types de populations. Le plus important est la population mendélienne , définie comme une communauté d’organismes occupant une aire géographique déterminée et se reproduisant entre eux par reproduction sexuée biparentale. La notion de population mendélienne ne coïncide pas entièrement avec celle d’espèce: on peut être amené à grouper au sein d’une même espèce plusieurs populations géographiquement isolées.

À la suite de Linné, les systématiciens classiques avaient tendance à insister sur la ressemblance entre individus d’une même espèce. Sans nier cette évidente ressemblance, les recherches actuelles soulignent plutôt l’importance des dissemblances. Les populations réelles sont toujours plus ou moins polymorphes . Dans les populations humaines l’existence du polymorphisme est évidente; il s’étend non seulement à la couleur des cheveux ou de l’iris, mais aussi à des caractères physiologiques ou psychiques; il englobe aussi les groupes sanguins et les différences moins apparentes responsables des phénomènes de rejet dans les greffes d’organes. Chez d’autres espèces, le polymorphisme est parfois aussi très apparent. Les coquilles des petits escargots des jardins (genre Cepaea ) sont de diverses teintes; certaines portent des bandes et d’autres sont unies. Même lorsqu’il est moins apparent, le polymorphisme est toujours présent, et son existence peut être révélée par des recherches soigneuses. Les techniques de chromatographie permettent, par exemple, de montrer qu’une enzyme déterminée existe souvent dans une espèce sous plusieurs formes moléculaires, qui correspondent à autant d’allèles du même gène de structure.

La généralité du polymorphisme implique donc que, dans les populations naturelles, un nombre important de gènes existent sous forme de plusieurs allèles. On rencontre aussi des remaniements chromosomiques.

La génétique des populations

Les croisements qui, dans une population mendélienne, assurent le passage d’une génération à la suivante rapprochent donc le plus souvent des conjoints qui ne sont pas génétiquement identiques. La génétique des populations est la science qui étudie les conséquences du mécanisme mendélien de l’hérédité au niveau global de la population.

L’état d’une population qui renferme plusieurs allèles d’un même gène peut être caractérisé, d’une part, par les fréquences des divers génotypes (trois dans le cas de deux allèles) et, d’autre part, par les fréquences des gènes eux-mêmes. Dès lors, la génétique des populations doit résoudre deux catégories de problèmes.

Dans la première, les fréquences géniques sont supposées données et il s’agit d’analyser les facteurs dont dépendent les fréquences génotypiques. Ces facteurs sont liés aux règles statistiques auxquelles obéit le choix des conjoints dans la reproduction. L’absence de règles caractérise l’état de panmixie , dans lequel toutes les unions possibles sont également fréquentes. À la panmixie s’opposent les situations où se réalisent préférentiellement des unions entre apparentés (consanguinité) ou des unions entre individus semblables (homogamie). Une conclusion importante de la génétique des populations est que les écarts à la panmixie tendent à augmenter la fréquence des homozygotes.

L’analyse des facteurs dont dépendent les fréquences géniques constitue la deuxième catégorie de problèmes qui se posent à la génétique des populations. Cette analyse conduit à reconnaître l’existence de trois groupes de ces facteurs. Deux d’entre eux, les mutations et la sélection, sont des forces systématiques dont l’action est rigoureusement prévisible. Le troisième correspond aux aléas de la reproduction individuelle. En raison de ces aléas, une population d’effectif limité subit nécessairement des changements dus à la seule action du hasard, et seules sont prévisibles les probabilités avec lesquelles peuvent être atteints les différents états possibles.

Les calculs de la génétique des populations permettent donc de prévoir quelle sera, dans les différentes conditions auxquelles elle peut se trouver soumise, la structure génétique moyenne d’une population et comment celle-ci réagira à un changement éventuel de ces conditions. Les conclusions atteintes fournissent des modèles pour l’interprétation des changements génétiques survenus au cours de l’évolution.

Les barrières génétiques

Dans la définition, dite biologique, de l’espèce, celle-ci est considérée comme la communauté des organismes qui, dans les conditions naturelles, se reproduisent entre eux. Elle ne s’applique qu’à des organismes dont la reproduction est sexuée et, occasionnellement au moins, biparentale. La définition implique que des organismes d’espèces différentes ne se reproduisent pas normalement entre eux, donc sont séparés par ce qui est appelé une barrière génétique. La formation d’espèces nouvelles (spéciation ) comporte la mise en place de barrières génétiques; préciser leur nature doit donc conduire à comprendre un des aspects fondamentaux des processus évolutifs.

Or, on peut y parvenir par des recherches qui sont du ressort de la génétique classique. La plus directe est l’observation du résultat des croisements interspécifiques, lorsque ceux-ci peuvent être réalisés [cf. HYBRIDATION]. L’un des résultats de ces recherches est l’extrême variation de l’efficacité des barrières génétiques rencontrées dans la nature. Cette variation va depuis l’impossibilité absolue du croisement jusqu’à des situations où la barrière naturelle est de nature purement psychique et peut disparaître dans des conditions artificielles: maintien des animaux en captivité par exemple. Parallèlement, la diversité des mécanismes intervenant dans les barrières est également très grande. Mais le point le plus important sans doute concerne la nature même des différences qui séparent les espèces. Chaque fois que leur analyse est possible, elles se révèlent comme étant de même type que les différences couramment rencontrées dans la variation intra-spécifique. Elles se ramènent en effet aux trois types fondamentaux: différences d’allèles, différences dans l’arrangement des segments chromosomiques (remaniements) et enfin, surtout dans le règne végétal, différences dans le niveau de ploïdie [cf. PLOÏDIE].

L’ampleur et le caractère unique de l’évolution organique condamnent évidemment toute interprétation de son mécanisme à n’être qu’une extrapolation. La plus plausible et la plus généralement admise de celle-ci est souvent appelée théorie synthétique. Elle tente de faire la synthèse à la fois des connaissances accumulées par la génétique et des notions restées valables dans l’œuvre des grands précurseurs, tels que Lamarck et Darwin [cf. ÉVOLUTION].

génétique [ ʒenetik ] adj. et n. f.
• 1800; gr. genêtikos « propre à la génération »
1Philos. Qui concerne une genèse. Critique génétique et manuscriptologie.
Biol. Relatif à l'hérédité. héréditaire. Par ext. Relatif aux gènes ( génique), à l'ensemble des gènes (d'un organisme, d'une espèce) et à leur effet. héréditaire. « Quelle est l'origine de la diversité génétique de l'espèce ? » (J. Rostand). Patrimoine, code, information génétique. Génie génétique. Ingénierie génétique. Maladies génétiques. Manipulation, thérapie génétique (ou génique). Empreinte génétique. Test, expertise génétique, par analyse comparative d'A. D. N. Distance génétique : longueur de la molécule d'A. D. N. ou du chromosome séparant deux gènes ou deux mutations. — Théories génétiques. génétisme.
2 N. f. (1911) Branche de la biologie, science de l'hérédité. La génétique étudie les caractères héréditaires et les variations accidentelles ( mutation) ; elle contribue à l'explication du transformisme et, dans le domaine pratique, à l'amélioration des espèces. Génétique évolutive, qui traite des questions relatives à l'évolution des espèces. Génétique formelle, biochimique. Génétique des populations. Génétique inverse : stratégie de cartographie et de clonage des gènes antérieure à l'identification de leurs produits.

génétique adjectif (grec gennêtikos, de gennân, engendrer) Relatif à l'hérédité, aux gènes. Qui concerne la formation d'un minéral, d'une roche, d'un sol, etc. Relatif à la généalogie des langues. Relatif à la succession logique, à la filiation d'idées entre elles. ● génétique (expressions) adjectif (grec gennêtikos, de gennân, engendrer) Carte d'identité génétique, synonyme de empreinte génétique. Carte de restriction génétique, schéma des différentes zones de coupure par des enzymes de restriction sur une séquence d'A.D.N. Ciblage génétique, introduction d'un petit fragment d'A.D.N., à un endroit précis, au sein d'un chromosome. Code génétique, système grâce auquel l'information génétique contenue sous forme chimique dans l'A.D.N. des noyaux des cellules peut commander la synthèse des protéines, constitutives de la matière vivante. Conseil génétique, ensemble des méthodes permettant d'évaluer le risque de survenue d'une maladie héréditaire chez un individu. Critique génétique, étude critique qui reconstitue l'histoire de l'élaboration d'une oeuvre, notamment littéraire, à partir de l'interprétation de ses avant-textes. Empreinte génétique, configuration particulière des séquences d'A.D.N. d'un individu donné, qui lui est spécifique. Génie génétique, ensemble des techniques permettant de manipuler les acides nucléiques (A.D.N., A.R.N.) en laboratoire. Hétérogénéité génétique, caractère d'une maladie héréditaire dans laquelle différentes anomalies des segments d'A.D.N. présents dans les chromosomes peuvent conduire à une même pathologie. Information génétique, information contenue dans une séquence de nucléotides d'acides nucléiques, A.D.N. ou A.R.N. Liaison génétique, association préférentielle constatée au cours des générations entre deux gènes différents. Maladie génétique, maladie due à la présence d'un ou plusieurs gènes défectueux (maladies géniques) ou à une anomalie du nombre des chromosomes (maladies chromosomiques). Marqueur génétique, séquence d'A.D.N. variable selon les individus mais dont la localisation est parfaitement connue. Méthode génétique, méthode d'exposition des théories mathématiques, opposée à la méthode axiomatique. (Proposée par Hilbert, elle consiste à générer des extensions successives à partir de notions simples.) Psychologie génétique, étude du développement mental de l'enfant et de l'adolescent en relation avec les structures intellectuelles de l'adulte. (La psychologie génétique a été fondée par Piaget.) Recombinaison génétique, répartition nouvelle du matériel génétique d'un individu survenant spontanément après un échange de gènes entre différents éléments d'une même molécule d'A.D.N. ou entre deux molécules d'A.D.N. ● génétique nom féminin Partie de la biologie qui étudie les lois de l'hérédité. ● génétique (expressions) nom féminin Génétique formelle, étude de la transmission de l'information héréditaire des parents à leurs descendants. Génétique des populations ou génétique mathématique, étude des transformations, de génération en génération, du patrimoine de gènes possédé par une population. Génétique quantitative, étude de la manière dont les différences phénotypiques entre individus se transmettent d'une génération à l'autre sous l'action de diverses pressions évolutives.

génétique
adj. et n. f.
rI./r adj.
d1./d Qui concerne la genèse (de qqch). Psychologie génétique, qui étudie le développement mental de l'enfant.
d2./d BIOL Relatif aux gènes et à l'hérédité. Code génétique. Génie génétique. Manipulation génétique.
Amélioration génétique: partie de la génétique des plantes et des animaux domestiques qui étudie les caractères héréditaires en vue de créer des génotypes mieux adaptés aux besoins de l'homme.
|| Empreinte génétique: caryotype utilisé aux fins d'identification.
d3./d Didac. Critique génétique: analyse d'un texte à partir des brouillons et du manuscrit.
rII./r n. f. Didac. Science qui concerne les lois de l'hérédité. Génétique moléculaire: V. nucléique.

GÉNÉTIQUE, adj. et subst. fém.
I. — Adj., didact. [Correspond à genèse B] Qui concerne la genèse (d'une réalité abstraite ou concrète). Analyse, méthode, théorie génétique. L'étude pétrographique des roches sédimentaires tend également vers une classification génétique. L'étude de la genèse des roches, de leur évolution, (...) demande le secours de la thermodynamique et de la géochimie (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 508) :
1. ... ce n'est pas avec une description génétique qu'on réfutera cette théorie [de l'intelligibilité]; car la question est de savoir si une genèse objective est ici pensable; or l'intelligible, avons-nous dit, se définit par rapport à l'élimination radicale du causal pur; il n'y a pas de dérivation objective de l'intelligible (en tant que tel).
MARCEL, Journal, 1914, p. 121.
Épistémologie génétique. Théorie de la connaissance scientifique établie par Jean Piaget et fondée sur l'étude de la genèse et du développement de cette connaissance. Le propre de l'épistémologie génétique est (...) de chercher à dégager les racines des diverses variétés de connaissance dès leurs formes les plus élémentaires et de suivre leur développement aux niveaux ultérieurs jusqu'à la pensée scientifique inclusivement (J. PIAGET, L'Épistémologie génétique, Paris, P.U.F., 1972, p. 6).
Psychologie génétique. ,,Science du développement psychique, c'est-à-dire connaissances des transformations de l'enfant, des étapes qu'il traverse. La psychologie génétique est aussi l'histoire de la formation du psychisme de l'adulte`` (PIGUET 1960). Ou bien donc les efforts de la psychologie génétique, de la psychologie de la forme et de la psychanalyse sont impuissants à se détacher du postulat physiologique (VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 121). On peut en effet généraliser de la psyché individuelle à la psyché collective la loi trouvée en psychologie génétique (Traité sociol. 1967, p. 74).
II. — BIOL. [Correspond à gène]
A. — Adj. Qui est propre aux gènes, qui concerne les gènes ou l'hérédité. Formule génétique; manipulations génétiques. L'existence est un capital reçu d'autrui et ce capital est une collection de propriétés génétiques, inscrite dans une structure chromosomique (RICŒUR, Philos. volonté, 1949, p. 412) :
2. La constitution génétique des tissus n'est jamais connue. Nous ignorons comment se sont groupés dans l'œuf dont il provient les gènes des parents et des grands-parents de chaque être humain.
CARREL, L'Homme, 1935, p. 308.
Génie génétique. Ensemble de méthodologies qui permettent d'étudier la structure et l'expression d'un gène. Les progrès réalisés ces dernières années dans le domaine du génie génétique ont été importants, tant du point de vue des résultats fondamentaux que des applications pratiques (Sciences et Avenir, 1980, n° 397, p. 13).
B. — Subst. fém. Branche de la biologie, ayant pour objet l'étude de l'hérédité. La génétique nous a révélé l'extraordinaire complexité de la substance héréditaire (J. ROSTAND, La Vie et ses probl., 1939, p. 168). Un jeu sans fin se trouvait amorcé : celui des combinaisons de « caractères », dont l'analyse est minutieusement poursuivie par la génétique moderne (TEILHARD DE CH., Phénom. hum., 1955, p. 112).
Génétique des populations. ,,Branche de la génétique qui étudie la transmission des caractères héréditaires dans l'ensemble d'une population humaine ou animale`` (Méd. Biol. t. 2, 1971). Dahlberg a une conception héréditaire de la notion de race; ses études sur la génétique des populations, c'est-à-dire sur l'analyse statistique de la répartition des gènes dans les groupes humains (Hist. sc., 1957, p. 1402).
Prononc. : []. Étymol. et Hist. I. Adj. 1865 « qui a rapport aux fonctions de la génération » (LITTRÉ). II. Subst. 1911 « branche de la biologie qui étudie les phénomènes de l'hérédité » (Lar. mens.). Empr. au gr. , « propre à la génération ». Fréq. abs. littér. : 84.
DÉR. 1. Généticien, -ienne. , a) Subst. Spécialiste de la génétique. C'est du travail conjoint de l'agronome, du physiologiste et parfois même du généticien que nous devons attendre une alimentation harmonieuse du végétal (LEVADOUX, Vigne, 1961, p. 101). b) Adj. Qui est du domaine de la génétique. Le raffinement des analyses généticiennes (CUÉNOT, J. ROSTAND, Introd. génét., 1936, p. 22). [] fém. [-]. 1res attest. 1931 subst. (PLANTEFOL, Bot. et biol. végét., t. 2, p. 580), 1936 adj. (CUÉNOT, J. ROSTAND, loc. cit.); du rad. de génétique, suff. -ien. Le synon. généticiste subst. (1935, CARREL, L'Homme, p. 105), empr. à l'angl. geneticist (1913 ds NED Suppl.2), ne s'est pas maintenu. Fréq. abs. littér. : 2. 2. Génétiquement, adv. Du point de vue génétique, d'une manière héréditaire. Synon. héréditairement. Toutes les observations ont montré que le sexe hétérogamétique génétiquement l'est aussi cytologiquement (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 700). Le rejet hors de la communauté d'individus complètement assimilés, mais appartenant génétiquement à une ethnie étrangère ou à une race différente (Traité sociol., t. 2, 1968, p. 324). []. 1re attest. 1949 (VUILLEMIN, Essai signif. mort, p. 118); de génétique, suff. -ment2.
BBG. — QUEM. DDL t. 10; t. 12 (s.v. généticien).

génétique [ʒenetik] adj. et n. f.
ÉTYM. 1800, dans une citation traduite de Herder (Bibliothèque germanique, in D. D. L.); répandu plus tard (1846, in Bescherelle); grec genetikos « propre à la génération », par l'allemand.
Didactique.
———
I Adj.
1 Philos. Qui concerne la genèse (de qqch.). || Méthode, théorie génétique.
Théories génétiques (dites aussi, mais improprement, empiristes), opposées aux théories nativistes. Génétisme.
0.1 Les explications empiristiques ou génétiques ont donc bien repris le problème de l'espace au point précis où Kant l'avait laissé (…)
H. Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience, p. 70.
Spécialt. || Psychologie génétique, qui étudie les stades de développement chez l'enfant.
Loc. Définition génétique, celle qui définit une notion en montrant comment elle se construit logiquement. || Les définitions mathématiques sont, le plus souvent, génétiques.
2 Biol. a Relatif à l'hérédité et aux mutations dans les espèces, déterminées par des mécanismes biologiques (→ Chromosome, gène, génome). Héréditaire. || Le patrimoine génétique d'une espèce. || Information génétique. || Maladies génétiques. || Séquençage génétique, le fait d'isoler et de dénombrer les gènes codant un caractère de l'espèce. || Le séquençage génétique d'une bactérie, d'une mouche, de l'homme.Génie génétique, ingénierie génétique. || Manipulations génétiques, qui permettent la formation de génomes spécifiques nouveaux ( Transgénique; O. G. M.).
1 Quelle est l'origine de la diversité génétique de l'espèce ? Elle ne peut être que l'œuvre de la mutation (…) autrement dit, les gènes originels de l'espèce se sont diversifiés au cours de son évolution en subissant les changements de constitution moléculaire.
Jean Rostand, l'Hérédité humaine, p. 101.
b Relatif aux gènes que possède un individu dans ses chromosomes; du génome individuel, spécialt du génome humain. ADN. || Le « programme », le code, la carte génétique d'une personne. || Empreinte génétique. || Test génétique, test de comparaison entre les génomes de plusieurs individus (utilisé dans les recherches judiciaires). || Le clonage, reproduction génétique d'un individu.
1.1 À l'exception d'une mince frange structurale constituée par les arborisations terminales de certains neurones corticaux, la mise en place de l'organisation cérébrale résulte de l'expression séquentielle, de l'œuf à l'adulte, d'un programme génétique parfaitement déterminé.
Jean-Pierre Changeux, l'Inné et l'acquis dans la structure du cerveau, p. 343, in la Recherche en neurobiologie.
1.2 Il nous reste quelques années heureuses avant d'être capables de manipuler le génome humain, mais on sait déjà établir la carte génétique qui est la véritable carte d'identité; on sait aussi reconnaître de plus en plus tôt les futurs indésirables, porteurs d'écarts irréversibles à la norme. En toute logique certains souhaitent généraliser ces diagnostics pour contredire des mariages ou éviter des naissances car il y va, paraît-il, de la qualité d'une société moderne. Puisque, pour les tares les plus importantes, l'élimination du fœtus est déjà pratiquée, une fois encore la définition d'un seuil se pose, celui qui fait que l'homme devient intolérable pour l'homme.
Jacques Testart, l'Œuf transparent, p. 33.
———
II N. f. (1911, in D. D. L.). a Branche de la biologie, science de l'hérédité. Hérédité. || La génétique étudie les caractères héréditaires et les variations accidentelles ( Mutation) par des croisements entre variétés, races, espèces différentes; elle contribue à l'explication du transformisme, et dans le domaine pratique, à l'amélioration des espèces (cit. 30). || Génétique évolutive, qui traite des questions relatives à l'évolution des espèces.
2 Le maniement pratique de l'hérédité est donc de tous les temps (…) mais ce n'est qu'au cours des deux derniers siècles qu'a commencé à s'ébaucher la mise en œuvre scientifique de ce domaine et c'est seulement depuis le début du XXe siècle qu'il forme une science expérimentale particulière, la génétique (…) L'expérimentation n'étant pas possible sur l'homme, c'est sur les animaux et les plantes, que la Génétique a pu s'édifier et c'est sur la base ainsi obtenue qu'on peut interpréter les faits sporadiques ou réguliers offerts par l'hérédité humaine.
Maurice Caullery, Génétique et Hérédité, p. 7.
3 Du point de vue théorique, la génétique s'est ouvert, en ces dernières années, plusieurs chapitres tout neufs : ce sont, notamment, ceux qui concernent l'effet de position, le mode d'action des gènes par l'intermédiaire de substances diffusibles, les rapports entre la structure chromosomique et la différenciation des espèces. Du point de vue pratique, la récente découverte de la polyploïdie expérimentale a déjà conduit à de fécondes applications (…) la génétique (…) tend vraiment à devenir (…) la discipline centrale de la biologie.
Jean Rostand, Idées nouvelles de la génétique, p. 113.
4 À la suite des révélations de l'école morganienne (…) s'est ainsi constitué un chapitre tout nouveau de la biologie, qui peut prétendre au rang d'une discipline indépendante : la génétique ou « science du gène » (Sturtevant). Cette génétique (…) a d'ores et déjà résolu le problème de l'hérédité, c'est-à-dire de la transmission des caractères, et aussi celui de la détermination du sexe; elle a abordé avec succès l'étude de la variation héréditaire ou mutation, car les mutations ne sont que des modifications de gènes.
Jean Rostand, Esquisse d'une histoire de la biologie, p. 216.
5 (La génétique physiologique) étudie les modalités des manifestations génétiques, c'est-à-dire comment les gènes réalisent les caractères héréditaires (physiologie du gène) et l'effet du milieu sur l'expression du gène (phénogénétique). Cette branche de la génétique (…) interfère non seulement avec les génétiques formelle et évolutive, mais aussi avec diverses disciplines biologiques notamment la biochimie, l'embryologie, l'endocrinologie.
Andrée Tétry, l'Hérédité, in Biologie, Encycl. Pl., p. 898.
b Science du patrimoine héréditaire d'un organisme et des interventions qui peuvent le modifier. || Génétique appliquée, contrôlée par la bioéthique.
6 (…) le dernier domaine de recherche est celui de la génétique moléculaire. On sait maintenant isoler un gène, le localiser sur le chromosome, le multiplier artificiellement et obtenir qu'il fabrique la protéine spécifique qu'il « code ». Ces techniques de biologie moléculaire sont applicables sur une cellule sanguine obtenue par une simple prise de sang. Si l'étude est intéressante, on peut « immortaliser » les cellules au moyen d'un virus et obtenir leur multiplication indéfinie permettant de travailler pendant des années sur le même prélèvement sanguin.
Édouard Zarifian, les Jardiniers de la folie, p. 112.
tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
DÉR. Généticien, génétiquement.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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